Jaba/Sozyone
Didier Jaba Mathieu et Sozyone Gonzalez sont dans la galerie Karoo toute cette semaine. On les retrouve pour parler de leur travail sur les murs et dans les pages d’ Ennemis , leur roman graphique !
Retrouvez l’univers de Jaba et Sozyone dans la galerie Karoo.
Didier Jaba Mathieu et Sozyone Gonzalez, figures de proue du graffiti belge, déclinent leur univers sur les murs de Belgique et du globe depuis plus de vingt ans. En 2013, ils décident de se lancer ensemble dans la création d’une bande dessinée. Après une campagne de financement participatif (par kickstarter) et deux ans de travail acharné à quatre mains tant sur les dessins que le scénario, ils livrent un objet inclassable, Ennemis , entre comics et roman graphique. Un résultat qui impressionne autant qu’il désarçonne. À l’image des auteurs, en fait. Rencontre avec ces joyeux lascars.
Karoo : Ça fait quoi de passer d’un grand mur à un petit format ? Et d’un rythme « instantané » à un projet à long terme ?
Sozyone : Rien de spécial en fait, c’est un « exercice » que je pratique depuis longtemps, passer d’un projet à un autre. Finalement, c’est comme terminer de manger et passer au dessert. Par contre, faire un projet sur deux ans de travail, c’est autre chose : moins sauvage, moins spontané, mais quand c’est fini, ça fait du bien, pas comme la sieste après la lasagne et le cheese cake… Non, ça fait vraiment du bien, comme gagner une coupe du monde de triathlon.
Jaba : Quand on dessine avant de peindre des murs, c’est toujours en petit format, donc ça n’a pas vraiment été un grand changement de nous retrouver dans un format BD. On abordé cette bande dessinée comme un objet d’art qui ne serait pas classique au niveau de la narration ou du découpage visuel… Il y a des cases, des dialogues, évidemment. Mais c’est quand même un autre délire. Et ça, ça pris du temps. C’est un rythme différent. Il a fallu rester discipliné tout en prenant du plaisir à le faire.
Bosser à deux n’a pas été trop difficile ?
Jaba : C’était une bataille constante pour trouver des points d’accord. Au départ, Pablo (Sozyone) trouvait les couleurs trop saturées. Il voulait un truc plus jeté alors que je voulais un dessin plus poussé, plus précis…
Sozyone : On a bien commencé, plein de motivation. Puis, on s’est rendu compte que c’était beaucoup plus compliqué que prévu, mais on est des warriors et on n’a peur de rien… Donc, très vite, on a fini par se taper dessus, tout simplement, à coups de latte et de gomme sur le crâne. Jusqu’au sang. Moi, quand j’étais petit, j’avais un Rubik’s Cube, et le seul moyen de le terminer, c’était en décollant les derniers petits stickers. Ici, on a fait pareil, mais ça ne se voit pas. On a fait gaffe avec les coins.
Comment vous y êtes-vous pris pour conjuguer vos styles et vos univers ?
Sozyone : On a vraiment essayé de rendre le tout uniforme, comme d’une seule main. On a bossé sur tout, tous les deux. Le but, c’était de faire ça bien, pas de s’identifier. C’est pour ça que j’aime ce projet, je ne l’aurais jamais fait sans Jabs.
Jaba : En effet, il n’y a pas eu de division du travail. Chaque planche a été réalisée à deux. On voulait que ce soit homogène, constant au niveau de la ligne graphique du début à la fin. D’ailleurs, on a dû refaire le premier chapitre entièrement parce que le style avait changé.
Avez-vous un ou des modèle (s) en bande dessinée ?
Jaba : Je n’ai pas vraiment de modèle mais beaucoup d’influences. Otomo et Moebius, si je devais en citer.
Sozyone : Je n’aime pas vraiment la BD et le monde de la BD. J’aime bien les dessins qui se trouvent dans certaines BD, quelques trucs par-ci, par-là, en général dans toutes les BD. Mais dès que je les regarde bien, j’aime plus… Et souvent je déteste ! C’est trop compliqué à expliquer… Mais pour choisir un modèle, c’est plus simple, il suffit de nommer le meilleur du monde de l’univers du temps et du rock’n’roll, le one and only : Franquin.
Karoo : Qui serait selon vous le grand Vorzon (dictateur de la planète où Dust débarque) s’il devait exister ?
Sozyone : Tous… Tous ceux-là qui cassent les couilles : la bande à Merkel, le pape ou le gang Rockefeller. Aujourd’hui, disons que le plus proche du Vorzon, ce serait Monsieur Trompette, vu le niveau de ses discours trending topic .
Jaba : le grand Vorzon, c’est le pape… Parce que c’est le chef de la bande !
Karoo : Vous vous retrouviez plutôt dans le personnage de Dust ou de Shor quand vous écriviez le scénario ?
Jaba : Dust, il râle tout le temps. Il a la même tête que moi. J’aime bien son côté autiste et nonchalant.
Sozyone :
Oui, Dust c’est Jabs ! Parce que je peux te dire que mon pote, c’est un vrai psychopathe maniaco-dangereux déguisé en psychopathe autisto-passif. Oui, mon pote, il ne connaî t pas la droite ou la gauche, il fonce tout droit, comme le Sandung… Ah oui, Jabs, c’est aussi le Sandung
(train, ndlr)
en fait… Et moi, ni l’un ni l’autre : les deux, parfois, je ne sais pas.