On entre dans la nouvelle salle des Brigittines, superbe, ancienne église transformée en salle d’exposition. Au milieu de ces murs d’un autre temps est plantée une immense installation ovoïdale. Trente écrans sont disposés tout le long de cette installation. À chaque écran correspond un siège. On comprendra donc que la nouvelle création est limitée à trente spectateurs. Chaque spectateur prend place sur un siège. Sous la table qui sépare l’écran de sa chaise, l’attend une enveloppe lui indiquant au quantième écran il se situe, et ceux qu’il devra rejoindre par après.
Au hasard, j’avais choisi le siège numéro 23. Je lus sur le carton placé dans l’enveloppe que mon parcours serait le quinté suivant : 23 – 19 – 9 – 17 – 24. Pendant une heure, j’ai écouté cinq personnages, filmés face caméra et racontant leur histoire. Le premier, un scientifique suédois, me parla de la mémoire et des réflexes. Le deuxième, un chirurgien et soldat israélien, exposa un événement tragique de la guerre contre la Palestine qu’il avait vécu. Puis, un torero nain m’expliqua en détail son dernier combat. Lui succéda un professeur hollandais, qui théorisa sur les six degrés de séparation, cette célèbre règle selon laquelle il n’existerait pas plus de six personnes séparant deux individus complètement opposés géographiquement. Le dernier personnage à se confier à moi fut une Japonaise, recluse depuis sept ans dans sa chambre. À la fin de notre entrevue, elle se mit à chanter, et tous les personnages de tous les écrans chantaient et nous remerciaient de les avoir écoutés.
Perhaps All the Dragons n’échappe pas à la règle des installations mêlant vidéo, théâtre et interactivité : seul le concept est original. Les histoires réunies dans cette mosaïque de destins et d’anecdotes ne sont pas passionnantes. Sans doute parce qu’il est difficile d’être captivé à chaque fois pendant une dizaine de minutes par un comédien immobile et face caméra. Je fus assez vite lassé par chaque histoire. Et puis l’illustration de la fraternité entre les hommes, les messages de tolérance et de partage sont sans doute distillés de manière trop didactique. On comprend assez vite la finalité du spectacle.
Néanmoins, l’expérience vaut la peine d’être vécue. Par ce dispositif de chaises musicales et les possibilités de narration multiple qu’offre le spectacle, les amateurs feront le déplacement. Prenez un autre siège que le numéro 23. Et l’on verra bien les personnages qui s’adresseront à vous. Peut-être leurs histoires vous toucheront-elles plus que mes personnages ne m’ont ému. Perhaps .