critique &
création culturelle

Aya

Une non-fiction cinématique les pieds dans l’eau

Aya , long métrage de Simon Coulibaly Gillard, nous raconte l’histoire d’une jeune Ivoirienne. En suivant sa vie et celle de ses proches, le spectateur plonge dans un univers réaliste…voir réel. Doublement primé au Festival international du film francophone , le film nous emporte dans une révélation sur la catastrophe climatique.

Aya, la jeune fille souriante qui donne son nom au film, nous emmène sur son île de Lahou, en Côte d’Ivoire. Alors que la mer s’avance et ronge progressivement sa terre, Aya refuse de déménager. Entourée de sa mère et des anciens de son village, elle affirme chaque jour sa volonté de rester sur son île. Pourtant, les éléments ne sont pas tendres et la lutte ne peut que se compliquer…

Dès les premières minutes du film, le ton est donné. S’ouvrant sur une splendide image en contre-plongée d’Aya, posée sur un palmier recouvert d’un grand ciel bleu, nous ressentons immédiatement l’essence paradisiaque de cette vie à mille lieues de la Belgique. Plongés dans une ambiance néoréaliste, avec des acteurs qui n’en sont pas réellement, vivant l’histoire qu’ils nous racontent, nous sommes introduits dans une réalisation parfois troublante. En effet, semblant s’inspirer du néoréalisme italien, le film nous plonge dans une histoire vraie, romancée certes, mais troublante par sa sincérité. La jeune fille sourit, nous découvrons son île et sa vie. Peu à peu, nous apprenons à connaître ses amis, sa mère et son petit frère, son amour naissant pour un jeune garçon du village... Malgré la difficulté à joindre parfois les deux bouts, à trouver suffisamment de nourriture pour son frère, Aya et sa maman gardent le sourire et partagent leur bonheur d’être ensemble.

Alors que nous pensions suivre Aya, une jeune fille entêtée, encore enfant dans sa tête, nous nous apercevons vite que plusieurs histoires se mêlent et s’offrent à nous.

Celle de la mère d’abord, sûrement la plus touchante, cherchant à protéger ses enfants après le décès de son mari. Elle lutte chaque jour pour offrir le meilleur à sa fille et son très jeune fils, trouver à manger et permettre à chacun de grandir. Sa relation fusionnelle avec Aya nous touche et donne à ce duo féminin une saveur particulière qui fait un bien fou. Cette mère qui ne peut pourtant s’empêcher de vivre dans le passé, désespérée à l’idée de perdre la dépouille de son mari dans les flots montants, préférant alors abandonner sa maison plutôt que cette tombe qu’il faut sauver. À travers les tensions qui l’animent, le spectateur se retrouve ému, bouleversé.

Une seconde histoire se présente alors : celle de l’amour naissant entre Aya et un jeune garçon de son île. Les deux adolescents découvrent ce frisson nouveau sans véritablement le comprendre. La jeune fille se laisse distraire, revient tard, le cœur léger et ne semble plus se préoccuper de rien. Elle pourrait bien vivre d’amour et d’eau fraîche… et leurs sentiments se développent, curieux et universels. Sur son île, Aya vit la même histoire que des millions d’adolescentes dans le monde.

Malheureusement, la réalité ne se laisse pas facilement oublier. Sur Lahou, la vie est précaire. Il faut partir, rejoindre la capitale, le continent. Aya refuse : elle veut rester. Pourtant, sa rébellion s’exprime de manière bien faible. Un mot à peine pour donner son opinion, facile à balayer. La jeune fille que nous pensions suivre, qui allait peut-être se révolter dans son jeune cœur, accepte et se laisse emporter par la vague. Finalement, peut-être que parmi les personnages qui s’offrent à nous, elle est celle qui reste le plus apathique. Son manque d’émotion face à la situation nous laisse froid et nous en venons à souhaiter que la caméra se détourne d’elle pour enfin s’attarder sur des personnages forts, comme la mère.

Le manque d’émotion apparaît donc comme le véritable souci de ce film. Nous aurions pu nous attendre à des torrents de larmes, à une quête profonde et violente, nous nous retrouvons face à un personnage principal sans véritable volonté, qui accepte sa situation bien trop facilement. Les choix scénaristiques n’y sont bien sûr pas pour rien.

La musique presque inexistante, si elle permet de s’imprégner de la vie sur l’île, empêche le bouleversement émotionnel auquel le spectateur s’attend. Très justement caractérisé de film aux allures de documentaire ou de « docu-fiction » , Aya se présente comme un récit de vie, une non-fiction qui mélange histoire et réalité. Certes, ce choix permet une plus grande réflexion sur la tragicité de l’évènement, une véritable réalisation interne. Pourtant, une petite place à l’émotion, via la musique par exemple, n’aurait pas été de refus.

Le film, en langue originale ivoirienne, nous fait voyager à travers ses images splendides, ses plans qui racontent à eux seuls des histoires. Malheureusement, son style documentaire pourrait vous laisser froid.

Même rédacteur·ice :

 

Aya

Un film de Simon Coulibaly Gillard

Avec
Marie-Josée Kokora , Junior Asse , Patricia Egnabayou

Montage : Marie-Hélène Mora et Bertrand Conard
2021


90 minutes

Prix et sélections : Programmation ACID Cannes 2021 ; Festival International du Film Francophone de Namur 2021 (FIFF) – Compétition 1ère œuvre

 

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