Black Mirror
21 novembre 2016 par Adrien Corbeel dans Cinéma | temps de lecture: 5 minutes
Si vous avez déjà vu un épisode de Black Mirror, vous avez probablement vécu une de ces crises existentielles que la série d’anticipation se fait fort de provoquer. Imaginant dans chaque épisode une dérive que pourrait prendre une de nos technologies actuelles, la série a acquis la réputation de feel-bad TV pour ses récits souvent cauchemardesques qui questionnent notre rapport aux technologies, aux médias et à la société. En l’espace de deux saisons remarquablement écrites, elle s’est imposée comme une des meilleures séries d’anthologie qui soient ; un Twilight Zone pour le XXIe siècle.
La force de Black Mirror ne réside pas uniquement dans sa capacité à être émotionnellement éprouvante. C’est aussi une série intellectuellement stimulante. Et c’est là que le bât blesse : son discours s’est considérablement appauvri dans cette troisième saison, s’abîmant dans des satires simplistes et des récits d’horreur un peu creux.
Dubitative à l’égard des technologies, Black Mirror l’a toujours été mais, dans la majorité des épisodes de cette saison, le danger qu’elles représentent semble être avant tout un prétexte à des histoires effrayantes. Playtest imagine un récit cauchemardesque autour d’un jeu vidéo, mais on sera bien en peine d’en identifier le propos. Hated in the Nation critique notre relation aux médias sociaux, mais pousse plus le spectateur à craindre pour son futur qu’à opérer une véritable introspection de ses mauvaises habitudes. Et comme la plupart des nouveaux épisodes, une durée plus courte aurait probablement eu un effet positif sur l’efficacité narrative et thématique du récit1.

Si la force du propos semble s’être diluée dans des histoires à rallonge, le nombre plus important d’épisodes commandés par Netflix (six pour être exact) a permis aux auteurs de s’essayer à un assortiment de genres plus varié. Ils utilisent pleinement cette opportunité pour s’ouvrir à d’autres horizons, comme dans Nosedive, une satire du culte des apparences qui contient une dose inattendue de comédie.
Mais la plus grande surprise de cette saison est indéniablement San Junipero, un épisode qui évite non seulement les écueils que nous venons d’évoquer, mais semble aller à contre-courant de ce qu’est la série. Il est empreint de quelque chose qui était jusqu’alors absent : l’optimisme. Faisant le récit d’une rencontre amoureuse enveloppée de mystère, il représente un interlude bienvenu dans l’univers cruel de Black Mirror. La réussite de l’épisode tient avant tout à son sens des nuances et à sa justesse narrative, faisant résonner à travers les choix de ses personnages de multiples thèmes : l’évasion de la réalité, la seconde chance et le sacrifice au nom de l’autre.
Au-delà de son optimisme, San Junipero montre que la capacité de Black Mirror à envisager ses personnages avec empathie n’est jamais mieux employée que lorsque la série apporte matière à réflexion, plutôt que de se reposer sur un point de vue cynique et souvent simpliste. Espérons que la suite nous réserve encore plus d’épisodes comme celui-là.
https://www.youtube.com/watch?v=jDiYGjp5iFg
Avec une durée de 90 minutes, Hated in the Nation est de loin le plus long épisode de la série. ↩
L'auteurAdrien Corbeel
Après avoir découvert Ingmar Bergman et Stanley Kubrick au tendre âge de 15 ans, je me suis laissé dévorer par le septième art, au point même d'y avoir consacré une…Adrien Corbeel a rédigé 38 articles sur Karoo.
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