critique &
création culturelle
Bronson wants some music

Sorti en octobre 2008, Bronson de Nicolas Winding Refn a fait l’effet d’un coup de poing dans le monde du cinéma. Dès sa sortie, le film a emballé les critiques du monde entier et fut d’emblée comparé à un grand monument du cinéma, Orange mécanique . Retraçant la vie du célèbre Michael Gordon Peterson, Bronson met surtout en lumière la transformation du prisonnier le plus violent d’Angleterre en Charles Bronson.

Tout commence en 1974 lorsque, poussé par le désir brûlant de devenir célèbre, Peterson braque un bureau de poste avec un fusil à canon scié bricolé maison. Il ne récolte que quelques livres et se fait rapidement arrêter par la police, avant d’écoper de sept ans de prison. Là, c’est la révélation…

Enfin, il a trouvé le moyen de devenir célèbre. Il va se transformer en véritable bête sauvage, ce qui va lui valoir le titre de prisonnier le plus dangereux d’Angleterre . Il passera finalement trente-quatre ans en incarcération psychiatrique, dont trente en isolement. À l’heure actuelle, il est toujours sous les verrous.

Porté par une interprétation aussi effrayante que brillante de Tom Hardy , le film prend place sur une scène de théâtre. Bronson y interprète une sorte de one-man-show où il raconte son histoire sous forme de flash-back. Le film est un véritable choc , c’est indéniable. On se trouve bringuebalé entre divers sentiments allant de l’horreur à l’aversion. Mais au final, ce qu’il reste, c’est l’empathie. L’empathie pour ce personnage finalement touchant, qui s’est laissé contrôler par des rêves un peu trop fous.

C’est donc avec subtilité et intelligence que le réalisateur de Drive nous immerge dans cet univers à part qu’est le monde carcéral, au moyen d’ une mise en scène très soignée et sans faute, d’acteurs impressionnants et d’une bande-son étonnante et jouissive mêlant chefs-d’œuvre du classique et pop des années 1980.

Le moment le plus impressionnant et le plus représentatif du film est sans doute celui où Bronson, qui s’est découvert un véritable talent artistique, s’enferme dans la salle de dessin de la prison en prenant en otage son professeur, première et dernière personne à avoir vu quelque chose de beau en lui. La scène commence avec Bronson, totalement nu, la peau recouverte d’un enduis noir, qui demande de la musique. Dans la pénombre, il patiente, jusqu’à ce que les premières notes du Flowers Duet de Delibes se fassent entendre. Il gagne alors lentement le centre de cette pièce magnifique, pleine de dessins et de sculptures, et s’approche d’une silhouette recouverte d’un grand drap de velours. Déjà, on reconnaît la patte du réalisateur et son esthétique travaillée . La beauté du décor, la chaleur des lumières et la lenteur de la caméra magnifient le personnage cru de Bronson. Pendant un moment, on en oublierait presque sa violence, effacée par la beauté de l’air suivant, Coro a bocca shiusa de Puccini. Bronson paraît calme, peignant le visage de son professeur pour le faire ressembler d’avantage à son propre portrait. Ce calme est renforcé par l’immobilité du personnel de prison de l’autre côté de la pièce.

Doucement, les dernières notes de Madame Butterfly se font entendre. Un court moment de silence avant que la bestialité de Bronson ne refasse surface, brutalement. Un troisième morceau classique prend place, un autre chef-d’œuvre. C’est un départ en guerre de Bronson, porté par l’intensité d’ Entry of the Gods into Valhalla de Wagner. Bronson serre les poings et se jette dans l’escalier déjà envahi par les matons. C’est au ralenti qu’est filmé le combat final, l’apothéose de la scène. Un ralenti utile « embellissant » cette scène violente qui se solde par un Bronson vaincu, au sol.

Bref, cette scène résume toute à fait l’ambiance singulière de cette œuvre cinématographique percutante qui explore l’univers carcéral avec une grande théâtralité, un côté très psychédélique et surtout une rage si intense qu’elle en devient hypnotique. Cette scène prouve bien le charisme du personnage de Bronson, qui dans toute sa complexité séduit tout autant qu’il répugne.

Même rédacteur·ice :

Bronson

Réalisé par Nicolas Winding Refn
Avec Tom Hardy , Matt King et Kelly Adams
Royaume-Uni , 2008, 92 minutes