critique &
création culturelle
Electrick Children
entre teenage dream et hallucination

Premier film de la cinéaste Rebecca Thomas, Electrick Children semble faire partie de ces fables d’apprentissage qui marquent et font grandir. Concentré de familiarité comme de bizarrerie, cette pépite colorée fait naître et renaître les élans de l’adolescence.

C’est l’histoire d’une immaculée conception à l’ère des néons et des skateparks. L’histoire d’une brebis fugitive. Rachel (Julia Garner), 15 ans, écoute pour la première fois un morceau de rock, en cachette. Lorsqu’elle découvre qu’elle est enceinte, elle fuit sa communauté mormone et le mariage forcé pour se diriger vers Las Vegas, à la recherche du chanteur entendu sur la fameuse cassette, persuadée que cette grossesse miraculeuse a été déclenchée en l’écoutant.

I think… God got me pregnant through that blue tape!

Accompagnée de son frère et d’une bande de skateurs banlieusards, la jeune fille traverse la Ville du Péché, à l’affût des signes — ou des coïncidences.

I accelerate down the road, in search of the father of my holy child.

Ce film, premier long-métrage de la réalisatrice américaine Rebecca Thomas, est un conte cruel et onirique. Épopée désinvolte, portrait choral d’une jeunesse disparate, Electrick Children joue de l’anachronisme qui l’habite à travers des codes d’hier  — désuétude et cassettes audio — pour refléter au maximum la réalité de l’adolescence, dans le décalage qui la caractérise. On est bercés par les dialogues insensés, drôles et touchants, comme par l’atmosphère d’éternel crépuscule, entre lumières multicolores et façades obscures, qui ne manquent pas de nous faire oublier les vrais enjeux du film.

You look crazy.

-Thanks!

En effet, Electrick Children semble illustrer avant tout l’amnésie post-traumatique. Inconcevable, l’idée de l’immaculée conception nous pousse à chercher l’auteur d’éventuels abus sexuels sur la jeune héroïne. Le père (Billy Zane), inquiétant à souhait sous des airs responsables, devient alors un premier suspect dans cette enquête. Des références photographiques jetées çà et là participent à solidifier le thème de la corruption des mineurs, comme par exemple les fameuses lunettes en forme de cœurs empruntées à la Lolita de Kubrick.

Mais finalement, même les plus investis d’entre nous finiront par abandonner cette chasse au criminel, car ce film — et c’est ce qui en fait, à mes yeux, un chef-d’œuvre — est simplement un rêve sur lequel on n’a pas de prise, une aventure poétique envers et contre tout, au grand dam de notre rationalité.

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Electrick Children

Réalisé par Rebecca Thomas

Avec Julia Garner, Rory Culkin et Liam Aiken

États-Unis, 2012

96 minutes