Diamond Island :
une réalité qui se saisit
dans les apparats
et non dans les mots.
 

Sous l’éclairage des néons fluorescents de Diamond Island grandissent deux jeunesses Cambodgiennes. L’une est aisée, l’autre est pauvre. Entre les deux, il y a Bora, dix-huit ans.

Il parle mieux du Cambodge que personne. Après un premier court métrage, le Premier Film de Davy Chou, et un documentaire, le Sommeil d’or, consacré au cinéma cambodgien avant la période des Khmers rouges, Davy Chou réalise son premier long métrage de fiction, toujours sur son thème de prédilection. Projeté à la Semaine de la critique du festival de Cannes, Diamond Island offre un aperçu réaliste de la jeunesse cambodgienne. Ou plutôt des jeunesses. Bien que pendant les premières minutes du film, l’oreille du spectateur soit déroutée par les accents asiatiques, peu communs.

Bora dit au revoir à sa mère. À dix-huit ans, il quitte la poussière orangée de sa campagne natale pour la poussière de l’immense chantier de Diamond Island. Cette île, reliée par un pont à Phnom Penh, est un luxueux projet immobilier destiné aux riches et le symbole du futur cambodgien. Pour se construire, ce quartier aux allures ultra-modernes a besoin de main-d’œuvre bon marché. Bora en fait partie. Son objectif : travailler et envoyer de l’argent à sa famille. Au premier abord, cet exode rural n’a rien d’original mais sur cette île, Bora va par hasard retrouver son frère, Solei, parti du village, lui aussi, quelques années plus tôt.

Pourquoi ? Comment ? Le film nous donne peu d’explications. Mais l’aîné mène une vie de « jeune cool » remplie d’argent, de luxe, de sorties, de filles, de rêves et d’espoirs. Lié par les liens de la famille, Solei ne va pas tarder à emmener son frère goûter à cette vie scintillante. La nuit, Bora côtoie la jeunesse dorée cambodgienne. Le jour, il trime sur le chantier de Diamond Island avec ses anciens camarades restés au rang d’ouvrier.

 

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La dualité entre eux deux, Davy Chou l’expose à tout-va, passant d’un monde à l’autre à travers des couleurs contrastées, flashy. D’un côté, il y a la dureté du béton et de l’autre, les hôtels luxueux. D’un côté, la lumière poussiéreuse du jour et de l’autre, les lampes fluorescentes de la nuit. D’un côté, les scooters abimés et de l’autre, les motos flambantes neuves. D’un côté, les sorties des ouvriers sous les lampes d’une miteuse fête foraine ou d’une soirée karaoké et de l’autre, les soirées de la jeunesse dorée dans des boîtes de nuit prisées. D’un côté, l’espoir de partir étudier en Amérique et de l’autre, l’espoir de partir travailler en Malaisie. Entre les deux, il y a Bora. L’adolescent découvre les yeux grands ouverts, souvent sans parler, comment vit son frère dans cette ville à double facette. Bora observe mais il apprend vite et saisit rapidement les opportunités.

Si les dialogues sont rares, c’est que les images suffisent à illustrer une réalité qui se laisse d’ailleurs plus voir qu’entendre. Une réalité qui se saisit dans les apparats et non dans les mots. Simplement parce qu’au fond, que Bora soit avec ses amis d’origine ou avec ses nouveaux amis aisés, les conversations sont identiques. Les deux groupes se taquinent, parlent de voitures, de filles et d’amour.

Des sujets identiques mais des mondes qui s’opposent et ne se côtoient pas ou presque pas. Comment alors le frère de Bora a-t-il pu passer, lui, d’un monde à l’autre ? Comment Solei a-t-il si bien réussi ? Très peu d’éléments permettent de répondre à ces questions, excepté la présence d’un mystérieux mécène. Cette absence d’informations nous laisse devant pas mal d’hypothèses. Ce mystère sans doute voulu nous laisse imaginer une facette obscure du destin de Solei. Qu’a-t-il dû faire pour s’en sortir si bien ? Bora de son côté aussi devra décider de son avenir : l’amour ou l’ascension sociale ?

 

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Diamond Island

Réalisé par Davy Chou
Avec Sobon Nuon, Cheanick Nov, Madeza Chhem, Mean Korn
Cambodge / France / Allemagne / Thaïlande, 2016
101 minutes