Green Book, qui a récemment remporté trois Oscars dont celui du meilleur film, est une rencontre entre deux mondes que visiblement tout oppose. Peter Farrelly, réalisateur de ce long métrage, raconte une histoire d’amitié entre un Blanc et un Afro-Américain pendant les années de la ségrégation raciale.

Inspiré d’une histoire vraie, Green Book relate l’incroyable roadtrip de Tony Vallelonga, surnommé Tony Lip (Viggo Mortensen), et de Dr Don Shirley, incarné par Mahershala Ali qui a notamment joué dans Moonlight de Barry Jenkins. Tony, italo-américain, père de famille de classe populaire et homme à tout faire, accepte de travailler comme chauffeur ou plutôt compagnon de route d’un des plus grands pianistes de son époque.

Après la fermeture du cabaret new-yorkais dans lequel il travaillait, Tony reçoit un coup d’un de ses amis pour un nouveau job. Lors de son entretien d’embauche, il rencontre un virtuose du piano. Tony avait compris au téléphone qu’il travaillerait pour un docteur, autrement dit un médecin, et non pas un docteur en musique. Son ami a aussi fait l’impasse sur un petit détail (il ne le savait s’en doute pas non plus) : le docteur en musique pour lequel Tony va travailler est afro-américain. Immigré italien, Tony est ouvertement raciste, il s’agit ici d’un racisme de base, non réfléchi car les différentes communautés ne se côtoyaient presque pas donc il s’agit ici d’une hostilité face à l’étranger.

L’un est blanc, l’autre est noir. L’un vient de la classe populaire, l’autre d’un milieu plutôt aisé. L’un incarne l’archétype du beauf et l’autre l’élégance, la subtilité et les bonnes manières. Bref, rien ne les lie. Pourtant concert après concert, ville après ville, les deux hommes vont se lier d’une amitié sincère.

De plus, un homme blanc travaillant pour un homme noir était quelque chose d’inouï à cette époque, ils ne tarderont pas à croiser sur leur chemin des regards interrogateurs et surpris. Un sentiment d’admiration et de confiance réciproque se construit entre les deux hommes, ils se confient de plus en plus et ouvrent leur cœur au fil du voyage.

Green Book ou The Negro Motorist Green-Book est à l’origine un guide de voyage écrit par Victor Hugo Green, postier afro-américain. Il a répertorié tous les établissements, hôtels et commerces réservés à la population noire américaine pendant les années de la ségrégation.

Dans le film, Don Shirley raconte à Tony qu’il a fait le choix de sillonner le Midwest et le Sud américain, que l’on appelle aussi l’Amérique profonde, pour y donner ses concerts. Don Shirley avait pour but de faire changer les mentalités dans cette partie du pays très conservatrice. Malgré son énorme talent, le pianiste n’échappera pas aux actes négrophobes…

Le film se passe aux États-Unis dans les années 1960, dans une Amérique ségrégationniste. Les Afro-Américains subissent de violentes discriminations et de nombreuses exclusions dans les espaces et services publics, dictées par les lois ségrégationnistes dites « lois Jim Crow » (un personnage de fiction, caricature dégradante des Afro-américains) instaurées en 1876. La ségrégation entre les Blancs et les Noirs est également pratiquée dans certains théâtres et restaurants. Il faut attendre près de cent ans après l’instauration des lois ségrégationnistes pour que celles-ci soient abolies, le 2 juillet 1964.

Le film a reçu de nombreux éloges mais aussi beaucoup de critiques négatives. Certains trouvent que le rôle de Tony Lip fait de l’ombre à celui du pianiste et que ce premier joue le rôle du White Savior. C’est vu d’un mauvais œil par une partie de la communauté afro-américaine car cela sous-entend qu’un Noir ne sait pas se débrouiller seul et a besoin de l’aide d’un Blanc pour se sauver d’un système raciste créé par les Blancs.

D’autres encore décrivent le film comme étant une représentation réductrice de l’histoire du racisme et de la ségrégation aux États-Unis. C’est le cas de certains médias qui ont jugé que le film réduisait la longue et violente histoire du racisme, qui a encore de nombreuses répercussions aujourd’hui, comme quelque chose qui peut « aisément » être résolu. Cela montre à quel point il est délicat de parler de l’histoire du racisme dans les œuvres culturelles.

Mais ce film met intentionnellement en avant le personnage de Tony Lip, car il a été réalisé à partir de témoignages rapportés par Nick Vallelonga, son propre fils. L’ambition est donc de souligner le parcours de quelqu’un qui va à l’encontre de ses préjugés et du système, il met aussi en évidence la manière dont un blanc de « seconde zone », un immigré proche de la culture afro-américaine, qu’il connaît à travers le Jazz, se débarrasse d’un racisme « par ignorance ».

Une des idées principales derrière ce film est que ce n’est pas l’élite blanche qui a mis fin au ségrégationnisme à la demande de la communauté afro-américaine mais ce sont les Afro-Américains, les immigrés, les personnes issus de classes populaires qui ont fait en sorte que les discriminations cessent.

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Green Book : Sur les routes du Sud

Réalisé par Peter Farrelly
Avec Viggo Mortensen, Mahershala Ali
États-Unis, 2018
130 minutes