L’histoire de Vincent n’a pas d’écailles se déroule dans le cadre idyllique des gorges du Verdon, dans les Alpes de Haute-Provence. Un décor isolé et verdoyant, aux antipodes du paysage urbain qui compose l’univers de Vincent, ouvrier dans le bâtiment aussi taciturne qu’effacé. La particularité de ce lieu est la présence de nombreuses sources d’eau. En effet, bien qu’elle ne soit pas citée au générique, l’eau est un personnage à part entière de ce récit . Omniprésente dans la vie de Vincent, elle a le pouvoir peu commun de décupler ses forces. Une fois mouillé, il devient plus fort et plus rapide. Tout ce qu’un être humain peut habituellement faire, il sait l’accomplir encore mieux.

Ce personnage très calme et anodin désire mener une existence normale. Ne pouvant continuer à se cacher et être honteux de sa vraie nature, il choisit d’emménager dans une petite bourgade française où il pourra être lui-même, proche de lacs et rivières qui lui sont si chers. Tout cela est suggéré moins par des mots que par l’attitude de l’acteur principal, sa manière de se comporter face à la caméra. Le début du film est peu dialogué, si bien qu’il suffit d’une scène au scénariste et réalisateur Thomas Salvador pour nous faire comprendre que Vincent ne se sent pas à sa place dans la grande ville où il habite.
La première moitié du film marque un contraste avec ce prologue. Trouvant tour à tour un travail et l’amour, notre héros moderne apprend à s’accepter tel qu’il est et à ne plus vivre en marge de la société. Tandis que, lors de la seconde partie, plus dynamique et parlée, Vincent est contraint de fuir après être intervenu dans une bagarre, aidé par sa force colossale. Commence alors une course poursuite particulièrement cocasse et quelque peu désespérée. Où voulant distancer les gendarmes, Vincent interrompt régulièrement sa course pour se ressourcer, au sens littéral, afin d’aiguiser ses réflexes pour pouvoir échapper à ses assaillants.

En essayant de prendre à contre-courant la tendance à l’invraisemblable et à l’hyperbole des blockbusters américains, Thomas Salvador évite de tomber dans le clivage type de la double vie du super-héros contraint de cacher son identité. Tout en douceur et pourvu d’un brin d’humour, son film raconte l’histoire fictive d’un homme on ne peut plus normal pourvu d’un don qui l’est moins , auquel chacun pourra s’identifier. Direction d’acteurs et mise en scène aidant (plans rapprochés, travellings rapides), Salvador parvient à nous surprendre en donnant une impression de vitesse intense lors des scènes d’eau. En outre, il amène avec brio le spectateur à ressentir de l’empathie pour son protagoniste, à s’inquiéter pour lui lorsqu’il est pris en chasse par la police, mais également à lui donner envie de le rejoindre et de faire quelques brasses avec lui.

Le réalisateur joue lui-même Vincent car il était important à ses yeux que l’interprète de ce rôle ne soit pas connu, afin de renforcer le caractère commun de son personnage. Cela n’aurait pas été possible avec quelqu’un de plus célèbre. Quant à ce titre si particulier, il a été choisi pour clamer le message que ce film porte à notre attention et que nous rappelle Thomas Salvador : « Je suis là tel que je suis réellement. Ne me considérez pas comme un monstre mais comme l’un des vôtres. » Chacun, quel qu’il soit, a la possibilité de devenir celui qu’il a envie d’être. On a tous des choses à nous, dont on peut avoir honte mais qui peuvent aussi faire notre force.

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