critique &
création culturelle
On y revient…
Fury Bellum ex machina

Qu’elles soient anciennes ou plus récentes, il n’est jamais trop tard pour parler d’œuvres qui nous ont marqués. Le feuilleton

Qu’elles soient anciennes ou plus récentes, il n’est jamais trop tard pour parler d’œuvres qui nous ont marqués. Le feuilleton

On y revient…

s’y consacre. Aujourd’hui, Kevin Vertenœil revient sur

Fury

de David Ayer, qui selon lui aura marqué le genre du film de guerre par son originalité.

Le film de guerre est un genre très commun au cinéma. Il correspond très souvent à un cadre universellement convenu, surtout lorsqu’il raconte un élément de la seconde guerre mondiale. Au milieu de ces copies souvent similaires, Fury , le dernier film de David Ayer, se dénote et marquera sans aucun doute le genre par son originalité.

Tout d’abord, le scénario très simple ne semble pas se démarquer : on suit la journée d’un groupe de soldats américains combattant les troupes nazies en avril 1945. Là où Ayer se distingue, c’est par une série d’éléments-clés dans lesquels le film puise ses qualités.

Premièrement, le choix de situer l’action en Allemagne, à la fin de la guerre. Ce lieu et cette période ont été rarement illustrée au cinéma. Habituellement, c’est presque toujours les mêmes batailles montrant toujours les mêmes enjeux : le débarquement du 6 juin 1944 et la boucherie d’Omaha Beach pour montrer le sacrifice des soldats US, la bataille de l’Atlantique pour les sous-marins et leur machine Enigma, ou encore la bataille de Stalingrad et la glorification de la résistance soviétique. Bref, une litanie de batailles convenues et soldats caricaturaux. Ce n’est pas le cas ici.

Ensuite, une autre qualité du film est à trouver dans l’action elle-même : on suit le quotidien d’un groupe de soldats conduisant un char qu’ils ont baptisé Fury. C’est précisément ce choix qui fournit à Ayer le ressort de son originalité. Un peu comme Wolfgang Petersen l’a fait pour le sous-marin dans Das Boot , on est littéralement plongé dans le char et le spectateur vit les combats avec les cinq soldats qui le manipulent : David Ayer a judicieusement filmé ces scènes avec une succession de plans rapprochés sur chacun des acteurs,. En outre, cela améliore les scènes de combat, l’intensité de ces affrontements étant augmentée par l’aspect clos et fermé du tank lui-même, ce qui n’est pas sans rappeler le coté angoissant d’un sous-marin dans le film de Petersen.

L’action se déroule à la toute fin de la guerre : c’est une période très peu exploitée au cinéma.

Un autre point d’importance est le fait que l’action se déroule à la toute fin de la guerre. Ces éléments forment rarement le cadre d’un film de guerre « grand public ». De cette façon, un aspect très peu montré dans ces autres films est mis en évidence : les liens qui ont pu se faire entre les soldats américains et les populations allemandes. Une fois que les conflits font rage en Allemagne, les soldats américains cessent d’être des « libérateurs » accueillis par une population en liesse. Ils deviennent des troupes d’occupation combattant les restes d’une armée fanatisées par sa défaite prochaine. Le film illustre à merveille les rapports complexes qui règnent entre les deux camps à ce moment de la guerre : de l’animosité viscérale des soldats US vis-à-vis de l’armée allemande à la résignation de la population envers son propre sort.

En plus de ces différents éléments, Ayer a réussi à nous montrer une histoire d’hommes de chair et de sang. Le casting, d’une grande qualité, y contribue fortement. Brad Pitt tient le rôle du sergent Don Collier, à la tête d’une unité qui vient de perdre un de ces membres. Logan Lerman (que l’on a vu dans le récent Noé d’Aronosfsky) joue le rôle d’un jeune soldat, un « bleu », ancien dactylo qui est intégré par erreur dans l’unité de Collier. Il y fera son baptême du feu et sera confronté durement avec la réalité crue et violente de la guerre. Collier (Brad Pitt) sera pour lui une figure paternelle qui transformera le jeune dactylo en soldat, en homme. A côté d’eux, on retrouve Shia Laboeuf, David Pena et Jon Bernthal. Grâce aux différentes personalités de leurs personnages, les trois soldats arrivent à composer une solide équipe : le croyant intègre justifiant la guerre qu’il mène par sa foi religieuse (Shia Laboeuf), aux dures à cuire vengeant leurs combats précédents par la haine viscérale envers le régime nazi et ses soldats (Pena et Bernthal). En quelque mots, un film qui ravira les adeptes du genre comme les simples amateurs.

Fury

Réalisé par David Ayer
Avec Brad Pitt , Shia LaBeouf , Logan Leman , Michael Pena , Jon Bernthal
Etats-Unis , 2014
134 minutes