Divertissant et inattendu, Under the Silver Lake de David Robert Mitchell invite le spectateur à entrer dans le Los Angeles halluciné de Sam.
Jeune homme désargenté mais qui se complait dans sa situation et passe son temps affalé à fumer dans son appartement, Sam a l’air de perpétuellement s’ennuyer. Il rencontre un soir une jeune et jolie voisine, Sarah. Le lendemain matin la jeune femme a disparu et son appartement est complètement vide, elle a déménagé durant la nuit. Intrigué, il part à la recherche de cette jeune femme qu’il connaît à peine et découvre, au fil de son enquête, des choses de plus en plus étranges. Sam, qui semble enfin avoir trouvé un objectif, devient complètement obsédé par sa quête. Un véritable mystère bien plus important que la simple disparition d’une jeune femme semble se cacher derrière cette première situation, somme toute assez banale.
Tourné sous la forme d’une enquête, le film tient sa force de ses rebondissements toujours plus déconcertants. L’investigation de Sam permet de nous emmener à travers toutes les facettes de la ville de Los Angeles : des rooftops aux cryptes et aux cimetières en passant par le fameux réservoir appelé Silver Lake , des quartiers résidentiels à l’immense manoir d’un mystérieux compositeur de musique, sans oublier le mythique observatoire, tellement cinégénique. Dans ses recherches, chaque nouvelle information est plus déconcertante que la précédente et semble s’éloigner un peu plus de la réalité ou de la logique. Sam ne semble néanmoins pas douter une seconde de ce qu’il découvre et s’enfonce peu à peu dans un délire dont il est difficile de savoir s’il est réel ou non. Le seul moment que partageront Sam et Sarah est d’ailleurs introduit par la phrase : « Do you wanna get high ? » Tout le reste du long métrage semble rester dans cette esthétique de délire halluciné.
La simple disparition d’une jeune femme qu’il a côtoyée le temps d’une soirée amène Sam à s’interroger sur ce qui le dépasse. Par exemple, dès le début du film, on voit qu’il n’est pas indifférent aux théorie du complot selon lesquelles les personnes riches savent des choses cachées au reste de la population. Plus largement, David Robert Mitchell interroge les croyances et la facilité avec laquelle un jeune homme peut être persuadé de l’existence de certaines choses. Il traite ses sujets selon plusieurs angles. D’abord sous la forme des nombreux ragots et des on-dit qui entourent par exemple un groupe de musiciens ; ensuite par le biais d’un personnage obscur qui semble totalement obsédé par une théorie excentrique au sujet de la pop culture, persuadé que la clé se trouverait au dos d’un paquet de céréales ; enfin au sein même de la quête de Sam où le spectateur en vient à douter de la réalité du héros.
Le sujet semble néanmoins effleuré, simplement présenté comme un tableau, et manque ainsi de profondeur. Sam se retrouve, à la fin du récit, face à un choix inéluctable auquel il ne peut rien changer. Il est démuni face à une foi étrange dont on apprend finalement peu de choses. On en vient à se demander ce que le réalisateur cherche à nous dire en abordant ce sujet. Cette thématique aurait probablement gagné à être creusée un peu plus en profondeur.
Avec ses images éclatantes de couleurs et de clarté (même la nuit), déjà proposées dans It Follows , David Robert Mitchell se balade dans le Los Angeles adoré des cinéastes. Il est difficile de rater le début du long métrage, très Fenêtre sur cour, ainsi que le côté Mullholand Drive de l’enquête hallucinée de Sam. Certains clins d’œil sont même ostentatoires, comme les tombes d’Hitchcock ou de Janet Gaynor. Le film ne se limite néanmoins pas à une suite d’hommages puisque le cinéaste mêle tout ceci à la pop culture, largement exploitée elle aussi : elle en devient un acteur à part entière grâce à son rôle au sein de l’enquête de Sam.
Bien que l’image soit attirante et dynamique et que le film, avec ses personnages plus hauts en couleur les uns que les autres (le roi des SDF, la femme chouette, le groupe de Jésus et les femmes de Dracula, la fille aux ballons et j’en passe), nous emmène dans un Los Angeles cinématographique débordant de pop culture, Under the Silver Lake est moins frappant que son prédécesseur, It Follows . Ses rebondissements toujours plus inattendus nous tiennent en haleine, comme la sympathique BO ou le jeu des acteurs, tous très convaincants. Ses deux heures vingt se font néanmoins sentir ; l’esthétique et le scénario du film, s’ils sont étonnants, ne sont par contre pas assez percutants.