critique &
création culturelle
Unicorn Wars
un conte loin d’être féerique

Unicorn Wars, film d’animation décrit par Alberto Vazquez, son réalisateur, comme un joyeux mélange entre Bambi , la Bible et Apocalypse Now, dresse le tableau tragique d’une société entraînée à guerroyer et endoctrinée par la religion.

Présenté au festival Anima le 24 février dernier, Unicorn Wars fait salle comble. Nous nous apprêtons à voir le long-métrage d’animation lauréat du prix Goya de 2022 (équivalent espagnol de nos Magritte du cinéma) réalisé par le cinéaste et illustrateur de bande dessinée espagnol, Alberto Vazquez. Lui qui avait déjà brillé lors des Goya de 2017 avec son premier long-métrage, Psiconautas , part cette fois-ci dans un univers qui emprunte les codes du conte.

Le film nous présente une infanterie de mignons petits oursons combattant un ennemi séculaire : la licorne. Si la bande-annonce peut laisser penser que le sujet est traité dans un registre comique mais trash, à la Happy Tree Friends , il n'en est rien. Le film démarre en effet sur une note beaucoup plus sombre. On y suit l’aventure de Gordy et Azulin, deux frères jumeaux qui se démarquent tant physiquement que par leur personnalité. C’est à travers les yeux de ces deux acolytes dont la relation oscille entre amour et haine, que nous voyons l’histoire. Azulin est décrit comme un impitoyable soldat tandis que son frère Gordy est beaucoup plus doux et timide.

Au début de l’histoire, nous sommes parachutés dans une base militaire où un entraînement laborieux a lieu. On comprend vite que la majorité d’entre eux n’est pas là par choix mais qu’ils préfèrent davantage se pomponner devant le miroir que de finir dans la boue pour combattre l’ennemie. Cependant, Azulin, qui a subi le lavage de cerveau de son père durant toute sa jeunesse, souhaite être un bon militaire et est donc à son aise dans cet environnement. Son frère Gordy le suit dans cette aventure mais n’a pas l’air d’y trouver sa place et subit des brimades quotidiennes de la part de son frère ou des autres soldats en peluche.

Ne pas se fier aux apparences

Chez Vazquez, les apparences sont trompeuses. Si au premier abord on peut être attendrie par ces oursons en peluche aux couleurs acidulées, on découvre rapidement qu’il s’agit de créatures narcissiques manipulées par des dirigeants abusifs et un cadre religieux strict ( Ils vont quotidiennement à l’église où le curé leur enseigne des valeurs empruntent de violence et d’intolérance envers les licornes. ) De plus, le choix des couleurs est très important dans le film et le cinéaste perturbe le spectateur avec des teintes pastel et des éléments naïfs tels que les flèches à pointe en forme de cœur ou la devise « Honneur, Douleur, Câlins » dans l’univers de la base militaire. Par ailleurs, la palette est beaucoup plus sombre pour les licornes et cette forêt magique qui apparaît finalement plutôt accueillante et luxuriante. Les licornes impressionnent par leur taille et leur pelage noire associé à ces yeux remplacés par de la lumière, mais se montrent plus pacifistes. Leurs statut de protectrices de la nature et leur comportement respectueux entre elles en font des personnages qui nous inspirent plus de confiance que les oursons.

Alberto Vazquez semble nous dire que l’ennemi que nous avions imaginé au début n'était peut-être pas le bon.

L’animation comme vecteur de thèmes forts

Le cinéma d’animation et l’utilisation de personnages imaginaires possèdent cette force qui permet de raconter une histoire de façon universelle. Chacun peut projeter son vécu sur les différents protagonistes ou situations. S’il est difficile de ne pas penser au régime franquiste à travers cette société militarisée qui utilise la religion comme prétexte à l’extermination d’un peuple, on pourrait tout aussi bien transposer cette histoire à d’autres époques ou cultures. Parmis ces thèmes on retrouve la guerre et la religion comme dit précédemment, mais le thème de l’écologie est aussi abordé en filigrane. Il semblerait que le réalisateur nous pousse peu à peu à nous ranger du côté des licornes qui protègent la nature. On peut constater que les moments les plus paisibles du long métrage sont ceux où Gordy est en communion avec la forêt et ses habitants à qui il s’adapte si rapidement.

A l'inverse, les autres ours en peluche la détruisent sans raison véritable si ce n’est celle que la religion leur impose. Mais à quoi bon convoiter un territoire qu’ils réduisent eux-mêmes à néant ? Le réalisateur met en scène les pires comportements de manière presque cathartique. Cette escalade de la brutalité va atteindre un tel paroxysme qu’il sera impossible de revenir en arrière.

Une impression mitigée

L’aspect technique et esthétique est réussi grâce aux différentes façons de fabriquer l’image qui rythment l’histoire. D’un côté, la manière de travailler est plus contemporaine avec davantage de 3D pour la trame principale et d’un autre côté l’esprit du film se veut plus plus médiéval avec un rendu graphique bidimensionnel rappelant les manuscrits enluminés . Cette technique permet une immersion dans l’univers du livre sacré évoqué dans l’histoire et rappelle la Bible.

De plus, il y a un soin particulier apporté aux couleurs du film qui sont très nombreuses et qui renvoient à des univers bien particuliers ( forêt, base militaire, les souvenirs d’enfance…). Chaque espace-temps possède une palette bien définie. Même du point de vue de la construction du récit, la présence d’une histoire parallèle avec le drame familial des deux protagonistes permet de donner plus de profondeur aux personnages en éclairant sur leur vécu respectif. J’ai également trouvé intéressant que la douceur vienne s’immiscer au milieu du chaos grâce au rôle de Gordy qui soulage un peu nos cœurs malmenés par toute cette violence. Néanmoins, les différents thèmes abordés (guerre, religion, écologie, famille…) semblent être trop nombreux et lourds pour les approfondir réellement.

Alberto Vazquez paraît un peu submergé par tout ce qu’il a envie de nous transmettre et on s’y perd.

 

Unicorn Wars

Réalisé par Alberto Vazquez

Avec la voix de Ramon Barea

France et Espagne, 2022

80 min

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