Enfant de réfugiés chypriotes, Christy Lefteri naît et grandit en Angleterre, où elle obtient un master en anglais d’écriture créative. Vivre en tant qu’expatriés a toujours été un sujet sensible au sein de la famille des Lefteri, qui avaient quitté leur pays natal quelques années avant la naissance de leur fille. Christy Lefteri dédie d’ailleurs ses deux premiers récits à ses parents : le premier, Une pastèque, un poisson et une bible , à sa mère, et le deuxième, l’Apiculteur d’Alep , à son père. Elle est aussi très engagée dans le travail humanitaire, ce qui lui permet de remplir ses fictions de témoignages personnels. Son livre l’Apiculteur d’Alep a d’ailleurs connu un énorme succès et a reçu les éloges d’autres auteurs britanniques tels que Daljit Nagra et Benjamin Zephaniah. Dans son dernier livre, les Oiseaux chanteurs , l’auteure met en lumière la vie de Nisha, la nourrice sri lankaise d’une famille chypriote. En même temps que son histoire, on découvre aussi les personnages qui ont marqué sa vie à Chypre : Petra, son employeuse, Aliki, la petite fille dont elle s’occupe, et Yannis, son amant.

Ce qui est très frappant dans l’écriture de Lefteri, c’est que malgré la dureté du sujet de son livre ‒ le trafic humain et le braconnage ‒ on ressent énormément de douceur et d’humanité à travers ses mots si bien choisis. Les nombreuses métaphores qu’elle utilise dans son texte rendent en effet celui-ci très poétique. Petra parle par exemple de sa fille en disant : « elle ne m’appelait jamais maman, ne s’adressait jamais directement à moi. Une graine de silence avait germé entre nous, elle avait poussé et s’était enroulée autour de nous. » Chaque personnage présent dans cette histoire est touchant à sa manière, et c’est d’ailleurs à travers leurs yeux qu’on découvre le vécu de Nisha. L’histoire de Petra est tout aussi touchante. Aidée par Nisha dès sa grossesse et le décès de son mari, elle se concentrait principalement sur son travail, pendant que Nisha tissait des liens avec sa propre fille. La disparition de la nourrice a donc forcé Petra a reprendre contact avec sa fille, faisant de nous les témoins de la naissance de cette relation mère-fille, dont Petra manquait cruellement.

Si d’un côté Petra crée petit à petit un véritable lien avec sa fille, on observe aussi chez elle une belle prise de conscience. Lorsque celle-ci décide de signaler la disparition de Nisha à la police, elle se rend compte que cette dernière n’est pas la première employée de maison à disparaître, et qu’en plus, la police n’en a pas grand chose à faire. C’est seulement une fois que Nisha a disparu que Petra réalise à quel point elle ne lui avait jamais vraiment prêté attention. Alors qu’elle est choquée par l'indifférence des policiers, elle réalise, un peu honteuse, qu’elle ne valait pas beaucoup mieux qu’eux avant que Nisha disparaisse.

Ce livre magnifique nous transporte dès les premières lignes dans l’histoire de Nisha qui « a disparu et [...] s’est transformée en or », et nous fait nous attacher à chacun des personnages qui ont fait partie de sa vie. Finalement, ce livre ne porte pas simplement sur la disparition d’une nourrice quelconque, mais surtout sur l’impact majeur qu’une personne presque invisibilisée par la société peut avoir sur son entourage proche.