Au dos des nuits , recueil de poèmes de Maxime Coton et Prix Biennal Robert Goffin 2018 (Fondation Poche), reprend des textes écrits entre le 14 octobre 2010 et le 27 novembre 2019, en différents lieux. Une longue période, un travail sur le temps et les mots, affinés.
Le recueil se divise en douze mois, de décembre à novembre. Un temps qui s’écoule entre les vers et la prose poétique, un temps qui fane, vibre, se renouvelle. Avec simplicité, Maxime Coton cherche à dire ce mouvement. La simplicité se situe dans les mots qu’il utilise. Un vocabulaire de tous les jours, mais qui trouve son originalité dans des assemblages, des cooccurrences imagées.
L’archive, c’est le corps :
Le sien ou celui de l’être qu’on a perdu.
Le corps, lui, ne sait pas ce qui s’est passé.
Au petit matin, je n’ai pu me lever,
Et lorsque la lumière est montée dans la chambre,
Il n’y avait rien, pas un mot,
Sur le sommeil des passions.
Une poésie du simple, remodelé, qui parfois fonctionne, parfois moins. Car les images peuvent s’embrouiller. Souvent, des textes à l’apparence compréhensible s’opacifient. Les mots du commun s’enchainent les uns aux autres et finissent par se perdre et, dans mon cas, par me perdre. Les référents ne sont pas toujours désignés, et je cherche à savoir de quoi l’on parle. Les images s’étiolent, partent en tous sens, effleurent une vérité.
Peut-être est-ce ça, au fond, le travail effectué : s’approcher de l’indicible, tout en lui laissant son intégrité. Car dire les choses, c’est leur enlever leur mystique. Alors, je me laisse porter par les beaux phrasés, cette parole qui coule, qui dit parfois énormément en peu de mots. Je dois souvent poser le livre, relire la phrase, pour en comprendre tout son sens. Pour comprendre sa dépendance ou son indépendance au reste du texte.
Quelle étrangeté,
En tête à tête, nous mangeons, sans apprêt.
Rien n’atteint le calme, la douceur de l’atmosphère ce soir.
Pourtant nous pourrions excaver les pires cris,
Puiser la bile la plus empoisonnée, inventer la mort.
Et,
Un jour, nous le ferons
Sans que la soupe d’aujourd’hui nous paraisse trop salée.
Petit à petit, au fil des pages, des échos se font, des détails se répètent, comme cet attrait pour le corps, ses peaux mortes qui tombent et marquent les étapes de la vie. Maxime Coton explore aussi l’anecdotique : dans ces moments, le recueil est un journal intime où s’inscrit le témoignage d’une précieuse banalité.
Ce partage, cette volonté d’exprimer la vie, se retrouve d’ailleurs dans le pari du Tour du livre mis en place par l’ASBL BRUITS . À l’occasion de la sortie du livre, Maxime Coton distribue ainsi des exemplaires à travers la Fédération Wallonie-Bruxelles, au domicile de participants tirés au sort, afin de rapprocher la poésie des gens. Le poète fera aussi plusieurs interventions poétiques en collaboration avec des opérateurs culturels locaux.
Si nous étions des continents,
Dériver paraîtrait naturel,
Tout comme le marché du samedi matin,
L’odeur du pain, des égouts,
Les repas de famille que tout le monde finit par haïr.
J’aime l’indéfini,
J’aime en toi l’irrésolu,
Qui inlassablement m’éloigne :
Construire sur un glissement,
Voilà ce qui nous échoit et nous nom
me !
Il y a au milieu de l’ouvrage une série d’images au format polaroid. Des photos toutes en couleurs et en flous, qui cristallisent bien les effets des poèmes. La force du subjectif, de l’indécis. Au dos des nuits est une lecture qui manque parfois de clarté, mais qui explore des sensations. Un recueil hétérogène, comme peut l’être le développement des années. Des instants qui se font échos, d’autres qui se contrastent.