Dans un contexte de crise, sur fond d’attentats terroristes, de crise écologique, de problèmes sociaux et de vieillissement de la population, le gouvernement belge décide d’adopter la loi Lelieux, qui vise à limiter la population à travers deux mesures. D’une part, il faudra désormais passer une série de tests afin d’obtenir le droit d’avoir un enfant. D’autre part, les soins médicaux ne seront plus prodigués aux personnes d’un certain âge. Continuant sur cette lancée liberticide, les opposants politiques sont passibles de la peine de mort. Dans cette ambiance où la tension est palpable, une seule étincelle pourrait suffire à allumer le feu de la révolte.

Nous voilà plongés dans un futur proche non défini, où la différence majeure réside en la loi Lelieux et ce qui en découle. À peine le décor planté, les personnages voient leurs vies et leurs convictions ébranlées en l’espace d e quelques jours seulement. Clémentine, qui avait reçu l’autorisation d’avoir un enfant avec son mari, voit son mariage sombrer et apprend une double trahison, qui l’emmène dans une folie vengeresse. Thomas apprend que sa sœur a été injustement condamnée à la prison pour être illégalement tombée enceinte, et remet en question toutes ses croyances liées à la loi Lelieux. Regina, qui menait jusqu’alors une enfance privilégiée, se voit touchée par la révolution qui s’amorce en Belgique. Après six années de répression, où le gouvernement a droit de vie et de mort sur sa population, une colère sourde commence à se faire entendre.

Bien loin d’un monde aux technologies futuristes ou à l’organisation sociale complètement étrangère, c’est plutôt le rythme auquel s’enchaînent les bouleversements dans les vies des protagonistes qui est déconcertant. Les personnages, à peine introduits et caractérisés, se voient déconstruits et remodelés de manière drastique. Il en est ainsi du personnage de Clémentine, qui tombe dans un état psychotique : il est alors captivant de voir jusqu’où ira le personnage, embarqué dans une spirale délirante. Pour autant, il aurait été intéressant d’avoir une psychologisation plus profonde du personnage de Thomas :  ses pensées et ses changements soudains de valeurs ne semblent abordés qu’en surface. Néanmoins, l’enchaînement rapide des événements et l’effervescence de la révolte en arrière-plan amènent un rythme prenant, qui maintient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page. Une fois le ton donné, la tension est maintenue durant tout le roman, culminant en un début de révolte.

Premier roman ambitieux, aux couleurs nationales, Indisciplinés se saisit de questions démocratiques propres à notre début de siècle et les projette dans un futur proche aux allures dystopiques. Dans cette ambiance d’ébullition sociale, le roman prend des tournants imprévisibles, maintenant un style haletant. Un début en force, qui demanderait peut-être une suite plus en subtilité. Le pari est cependant réussi, et la curiosité piquée, en attendant le prochain volet.