critique &
création culturelle
La Fille sur le banc de Bernadette De Rache
Le mystère d’un meurtre liégeois

Qui a tué Sylvaine ? C’est la question que se pose la police et les habitants de Liège tout au long du roman La Fille sur le banc de Bernadette De Rache, paru aux éditions Weyrich.

Ce roman policier est le premier de l’autrice, Bernadette De Rache. Installée à Liège, elle nous emmène dans le décor de la ville avec détails. Nous arpentons les ruelles, les quais, le bord de Meuse et elle nous offre même un aller-retour à Ostende. Mais c’est autour de la place la plus animée de la ville que l’histoire se déroule. Lise, la soixantaine, retraitée, vit dans un appartement avec vue sur la place. Au pied de la Cathédrale, Sylvaine est retrouvée installée sur un banc. Son corps mort a l’air d’avoir été placé-là, comme si de rien n’était. Alors que s’est-il passé ?

Sylvaine était une enfant créative, exubérante, excessive, elle avait beaucoup de talents ! Quel gâchis…

Sylvaine est insaisissable et le mystère sur la jeune fille, tout comme l’intrigue, sont tenus de la première à la dernière ligne de ce roman de 500 pages. Au fil des chapitres, nous faisons la connaissance d’un nombre important de personnages qui apportent tour à tour des indices. Nous avons ainsi chaque fois accès à leur prisme du déroulé de l’histoire mais aussi à un pan de leur vie intime. Et ce, avec la sensation de découvrir un nouveau lien menant au nœud de l’enquête. Un nouveau bout de fil sur lequel nous tirons en espérant arriver au cœur de la pelote de laine et du dénouement. Tous semblent être reliés et entretenir des relations plus ou moins fortes à Sylvaine mais leurs discours se contredisent et leurs attitudes semblent toutes plus suspectes les unes que les autres. L’équipe policière en charge de l’affaire rencontre alors tout ce monde qui gravite autour de la victime et de la place centrale de Liège. Steve, inspecteur de police, questionne notamment Lise. Et évidemment, celle-ci, en plus d’avoir ses fenêtres donnant sur le fameux banc, connait des gens qui connaissent des gens… Bref vous avez saisi l’idée ! Tout le monde se connait et les ragots vont vite. Par ailleurs, des affinités vont se créer et, petit à petit, se tisse entre Lise et Steve une relation de confiance et de confidences qui déborde bien au-delà de l’investigation...

Où qu’elle aille, elle était suivie par une bande de garnements rigolards qui estimaient que la vie se dégustait sans modération.

À travers l’enquête, nous sommes immergés dans des milieux très différents, en passant de l’entourage familial bourgeois de Sylvaine à l’univers nocturne de sa bande d’amis. La Fabrique, cet entrepôt intriguant et déroutant, les rassemble et ces jeunes en soif d’expériences y repoussent les limites. Ils flirtent avec la dérive dans une joyeuse innocence en défendant leurs âmes d’artistes. Des jeunes pris entre, d’un côté, l’envie d’être en marge et rebelles, et de l’autre, le confort de pouvoir appeler leurs parents hauts-placés pour les sauver de leurs déboires avec la police. Jusqu’à ce que cela ne suffise plus… À ceux-là s’ajoutent deux hommes sans abri bien connus des habitants du quartier qui apportent à leur tour des détails et des troubles à l’enquête. Mais il y a aussi la pharmacienne, l’ex-femme du père de la jeune fille, un patron de bar, une gouvernante, la fameuse Palmyre responsable de la Fabrique… Bref, l’autrice n’a pas eu peur de créer des protagonistes et, heureusement, on ne s’y perd – presque - pas.

J’étais impatiente de découvrir ce roman. Effectivement, j’étais curieuse et j’apprécie particulièrement l’idée de l’autrice de mélanger intrigue policière et vécu intime des personnages. À côté de l’enquête, tous mènent leur vie avec son lot de questions, de relations et de problématiques personnelles : un mixte que nous avons trouvé intéressant. De plus, l’intrigue est bien construite, les indices sont déposés au compte-goutte et il faut aller jusqu’au bout pour enfin savoir qui a tué Sylvaine.
Pour autant, nous n’avons pas été extrêmement tenus en haleine. La lecture est hachée par des chapitres courts sans qu’ils nous donnent l’envie dévorante de continuer. Nous aurions voulu bouffer les pages avec suspens et émotions. Mais nous n’avons pas été transportés et habités par les personnages. Malheureusement, le mélange entre roman policier et vie intime des personnages ne nous a finalement pas convaincus. Nous sommes restés en surface de l’un et de l’autre sans s’immerger complètement ni dans l’ivresse que peut amener l’attachement à des protagonistes, ni dans le suspens d’une enquête haletante.
On voit l’idée, les ingrédients sont là mais « la sauce n’a malheureusement pas pris ». Un peu à l’image de la couverture du livre qui, effectivement, est juste, dans le sens où « tout y est » puisqu’elle représente une fille sur un banc. Mais elle apparait un peu fade et manque de caractère ou d’originalité liée à l’histoire.

Un roman qui peint la Belgique avec amour !

Pour autant, La Fille sur le banc est un bouquin agréable à lire. Nous avons apprécié le décor belge qui trouvera sans doute un écho chez ceux qui se reconnaissent dans ses particularités. Nous avons souri au souvenir des gaufres dégustées sur la digue à la mer du Nord, les mouettes, le flamand, les croquettes aux crevettes ou les bords de Meuse et l’architecture des villes qui la bordent.
Finalement, le format que prend la narration nous donne presque plutôt envie de le voir adapté en feuilleton télévisé : une série familiale mettant en scène le quotidien des habitants de la ville de Liège avec une intrigue policière principale et celles plus personnelles des personnages rayonnant autour… Et pourquoi pas ?
En tout cas, nous pouvons assurer que nous sentons à travers son premier roman l’imagination débordante de l’autrice et son envie d’inventer des histoires ! Il parait même qu’elle pense à écrire une suite… Nous pouvons alors espérer y voir se déployer un récit et des personnages qui nous prendront plus aux tripes !

La Fille sur le banc

Bernadette De Rache

Weyrich, 2021

544 pages

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