critique &
création culturelle
Les animaux sont des gens
comme les autres

Le monde animal eut une grande importance pour Edward Gorey, que ce soit dans ses œuvres ou dans sa vie de tous les jours qu’il partageait avec de nombreux chats. Il s’est également engagé pour la protection animale et n’ayant pas d’hériter, différentes associations actives dans ce domaine bénéficient aujourd’hui de son héritage par le biais du Edward Gorey Charitable Trust.

Épisodes précédents :
Introducing Edward Gorey

Gorey parmi les humains

Il était de notoriété publique qu’ Edward Gorey avait un grand nombre de chats (jusqu’à sept), qu’il emmenait même avec lui dans son appartement de New York quand il venait suivre la saison de ballet. Il les gardait enfermés car il avait trop peur qu’il ne leur arrive malheur à l’extérieur. En contrepartie, ils avaient toute liberté dans sa maison . Mais cette préoccupation ne s’arrêtait pas aux animaux de compagnie et Gorey respectait jusqu’aux créatures parfois jugées répugnantes comme les insectes, les batraciens ou les chauves-souris.

Tout ce bestiaire se retrouve dans ses illustrations et ses histoires, où elles jouent des rôles très différents. Par exemple, les oiseaux, et toutes les créatures ailées, annoncent généralement une mort imminente. Mais les humains et les oiseaux cohabitent parfois plus longtemps dans une certaine camaraderie , comme dans The Osbick Bird , où une sorte de gros perroquet affublé de longues pattes d’échassier décide un jour de venir vivre avec M. Emblus Fingby.

Dans

Les chiens sont globalement aimants envers les humains, notamment quand on pense à The Chinese Obelisk ( l’Obélisque chinois ), où seul un représentant de la race canine assiste à l’enterrement du personnage principal. Ils sont aussi parfois les héros de l’histoire , comme dans The Sopping Thursday (l e Jeudi humide ), où un chien retrouve le parapluie égaré par son maître.

Les insectes occupent une place plus ambiguë. Ils sont par exemple les héros exclusifs de The Bug Book ( le Livre des insectes ). Mais ils ne sont pas pour autant des adjuvants des humains dans les histoires qui mêlent les espèces. Ils vont même parfois jusqu’à se substituer aux hommes comme dans The Insect God ( le Dieu insecte ), dans lequel une bande d’insectes de grande taille, capables de conduire une voiture, enlèvent une petite fille pour la sacrifier à leur dieu. Dans un rôle tout à fait opposé, c’est un grand insecte parlant qui accompagne Edmund Gravel dans deux livres, The Haunted Tea-Cosy ( le Couvre-Théière hanté ) et The Headless Bust (le Buste sans tête), qui forment une version goreyesque du Chant de Noël de Charles Dickens . Gorey fait un jeu de mots avec cet insecte qui se présente comme le Bahhum Bug , qui est aujourd’hui une expression de dédain pour désigner la fête de Noël, héritée du personnage d’Ebinizer Scrooge dans la version originale de Dickens.

Les animaux sont donc parfois des personnages comme les autres et Gorey pousse l’ambiguïté un peu loin comme dans The Retrieved Locket ( le Médaillon retiré ). Dans ce livre, un nourrisson disparaît et ses parents sont très inquiets. Un voisin leur présente un chien qui porte autour du cou le pendentif de l’enfant. Le couple baptise l’animal du nom de leur petite fille et ils vivent leur reste de leur vie avec lui et sa descendance.

Gorey ne limite pas son bestiaire aux animaux existants ; il les déforme, les rapetisse et opère des hybridations . The Utter Zoo Alphabet ( l’Alphabet complet du zoo ) en est le plus bel exemple. Cet abécédaire décrit vingt-six animaux imaginaires et leurs caractéristiques. Certains ont des traits plutôt troublants qui effacent la frontière entre le genre humain et le monde animal.

Le Mork procède avec une grâce pensive et aucune expression sur son visage1 . » Extrait de The Utter Zoo Alphabet. © Edward Gorey Charitable Trust.

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