critique &
création culturelle
Petite ,
récit de vie au bout du monde

« Il faut parfois se perdre pour mieux se retrouver », voilà un maître mot qu’a décidé de suivre Sarah Gysler, l’auteure du livre autobiographique Petite . De la Suisse au Cap Nord, en passant par les Philippines et la Mongolie, ce roman nous donne une incroyable leçon de vie.

Dans ce premier roman, Sarah Gysler nous raconte comment elle en est arrivée à tout quitter à 20 ans à peine pour entamer un voyage en autostop jusqu’au Cap Nord, sans argent en poche. Tout au long du récit, cette jeune aventurière de 24 ans évoque sa difficulté à s’intégrer dans une société occidentale formatée et n’hésite pas à aborder les coups durs qu’elle a vécus. Née au milieu des années ‘90 en Suisse dans une famille recomposée, elle n’a jamais trouvé sa place dans le « grand bâtiment gris semblable à une prison ou un asile » qu’est l’école. Elle n’a jamais non plus trouvé un métier ou une situation stable : elle passe plus de temps derrière un appareil photo que sur les bancs de l’école ; ses premières expériences amoureuses se concluent sur des échecs ; elle se sent étrangère où qu’elle aille et tente de s’en sortir tant bien que mal. Sarah se sent marginale dans cette société étriquée et ne sait pas comment se sortir de là.

« Est-ce vraiment ça la vie, « faire aller » ? »

Lors d’un voyage à Toulouse, elle se fait voler toutes ses affaires et n’a pas d’autre choix que de rentrer chez elle en autostop. C’est le déclic : le voyage en sac à dos sans argent s’impose comme une dernière tentative de « sauver sa peau ».

« Souvent, on m’a reproché de fuir. Peut-être. En même temps, qui resterait dans une baraque en feu ? Dans un navire qui sombre ? Je disais sauver ma peau. [ ] Ouvrir les yeux à vingt ans a été un gros avantage. Au fond, la vie appartient à ceux qui rêvent tôt. »

Cette « aventurière fauchée » nous raconte alors son apprentissage de la vie sur la route, avec ses joies et ses peines. Dormir chez l’habitant, les longues attentes en stop, les magnifiques endroits découverts, la solitude… Des instants de partage, de rencontre mais aussi de doutes : elle ne cache rien de ce périple qui a été pour elle une révélation.

Bien plus qu’un simple guide de voyage en autostop, Gysler nous livre un témoignage empreint d’humour, de tendresse mais aussi de perspicacité. Au fil des pages, on grandit avec cette jeune femme qui ne trouve que le voyage comme réconfort à sa « colère ». Avec un style d’écriture à la fois émouvant et incisif, elle utilise le pouvoir des mots pour nous faire voyager et planter en nous la graine de la réflexion. Gysler n’hésite pas à poser un regard critique sur cette société uniformisée qui nous impose un chemin à suivre en y proposant une voie alternative. Elle propose un livre à l’effet d’une décharge électrique qui nous touche au plus profond de nous, on voudrait qu’il ne s’arrête jamais. Mais l’histoire ne se limite pas à ces pages : au travers des réseaux sociaux et de son blog, cette jeune auteure donne une suite à son récit qui, à son l’image, n’entre dans aucune case.

À 24 ans et avec seulement un livre au compteur, Sarah Gysler propose un livre différent dans le paysage littéraire d’aujourd’hui, ce qui est loin de déplaire aux lecteurs. Àla fin du livre, nous n’avons qu’une envie : chausser nos basket, prendre notre sac à dos et partir sur les traces de cette aventurière fauchée qui nous propose une vision alternative du voyage et de la vie au sens large.

Même rédacteur·ice :

Petite

Sarah Gysler
Éditions Des Équateurs, 2018
183 pages