En mars 2015, Maxime Hanchir a rencontré à plusieurs reprises l’auteur guatémaltèque Eduardo Halfón (prix Roger Caillois 2015) dans le cadre du festival de littérature Passa Porta. Au cours de ces entretiens, l’auteur a accepté d’expliciter certains aspects de son parcours et de son œuvre.
En 2007, Eduardo Halfón était élu l’un des « trente-neuf meilleurs écrivains latino-américains de moins de trente-neuf ans » par un jury de professionnels latino-américains du livre, à l’occasion du Hay Festival de Bogotá. Aux côtés d’autres jeunes auteurs prestigieux comme le Chilien Alejandro Zambra, la Mexicaine Guadalupe Nettel ou le Colombien Juan Gabriel Vásquez, une nouvelle voix s’imposait, sobre et dépourvue d’artifices, étonnamment claire malgré son irrésolution avouée. Aujourd’hui auteur d’une dizaine de livres traduits en plusieurs langues, l’écrivain guatémaltèque a confirmé son talent.

En France, c’est le très renommé Albert Bensoussan (traducteur de nombreux auteurs du « boom latino-américain » comme Mario Vargas Llosa, Guillermo Cabrera Infante ou Manuel Puig) qui s’est chargé de traduire la « perle » Halfón. C’est ainsi que les éditions de La Table ronde firent successivement paraître, entre 2013 et 2015, deux romans et deux recueils de nouvelles écrits dans un style économe, aussi mesuré que désarmant. Car Eduardo Halfón est un écrivain de récits.

Tout d’abord, celui qui traverse toute son œuvre en filigrane, celui du drame de son grand-père Leon Tenenbaum, juif polonais rescapé d’Auschwitz. Ensuite le récit de ses origines, européennes donc, mais aussi arabes, trois de ses grands-parents étant originaires de pays proche-orientaux (Égypte, Syrie, Liban). Enfin, le récit d’une identité incertaine : né juif dans un pays presque exclusivement catholique ; de nationalité guatémaltèque mais ayant fui la guerre civile et passé plus de la moitié de sa vie aux États-Unis.

Autofictionnelle par nécessité, l’œuvre d’Eduardo Halfón – comme une partition musicale – se définit autant par ses notes (un foisonnement de pays et de rencontres), que par ses vides et par ses silences (récits incomplets, absence de conclusions). Halfón croit en effet en une vérité émotionnelle et littéraire, et non en une réalité tangible ou intellectuelle. Questionnant avec ironie ses origines et sa judéité, l’auteur nous emmène dans une quête à la fois identitaire et existentielle aux quatre coins du monde. Monastère raconte ainsi un voyage que l’auteur fit en Israël afin d’assister au mariage de sa sœur ; la Pirouette nous emmène sur les routes d’Europe de l’Est à la poursuite d’un pianiste serbe aussi fascinant que mystérieux ; et les nouvelles de Signor Hoffman exposent diverses « épiphanies » vécues par l’auteur lors de pérégrinations en Europe et en Amérique latine.

C’est là toute la richesse de l’œuvre d’Eduardo Halfón : se révéler, livre après livre, toujours plus profonde et cohérente, tout en s’offrant la prodigalité d’une mythologie habitée de personnages hauts en couleur, où l’âme slave rencontre l’humour juif et la culture latino-américaine.

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