critique &
création culturelle
Solstice de Lucas Scholtes
Des cases pour en briser d’autres

Deux lycéens mettent à profit leur semaine de révisions du bac pour partir à l’aventure : un conte sur l’avenir tout en couleurs et géométrie.

Tout commence avec les carreaux d’une copie qu’on connaît tous : la feuille du bac, calibrée au centimètre près, que l’auteur s’est amusé à noircir du mystérieux titre Solstice .

Parue le 16 avril dernier aux éditions L'Employé du Moi, Solstice est la toute première bande dessinée du jeune auteur Lucas Scholtes - un projet de fin d’études peaufiné sur les bancs du lycée Auguste Renoir.

« On devait commencer à y réfléchir dès l’été de la première année [de DMA], alors j’ai commencé à faire les croquis de ce qui me semblait être l’aventure idéale : deux ados dans une ville en ruine. »

Pour Lucas, les ruines sont un décor d’enfance riche en trouvailles improbables, un dédale mystérieux, parfois dangereux, où il fait bon se perdre. Dans Solstice , Gus et François, deux lycéens, ont une semaine devant eux avant le bac : une semaine où l’ennui les pousse à quitter leurs rues et leurs immeubles pour s’enfoncer dans la forêt, à la poursuite des « clochards possédés ».

Durant cette escapade où le temps semble s’écouler différemment, ils découvrent une cité fantôme, comme le spectre de leur propre réalité, et y rencontrent le solitaire Ivan. Commence alors un apprentissage accéléré de la vie au naturel avec, au menu, cueillette, chasse, et spiritualité. Désireux de s’émanciper du carcan scolaire qui les infantilise, les deux adolescents écoutent avec passion les conseils de leur énigmatique mentor. Mais bientôt un choix s’impose : rentrer ou rester pour toujours ? Tandis que Gus semble déjà bien décidé à démarrer une nouvelle vie à l’écart de tout, François hésite. À tout juste 18 ans, peut-on vraiment faire le choix de toute une vie ?

« J’ai créé Gus et François de façon à ce qu’ils soient complémentaires, mais ce sont aussi deux facettes de moi-même. Le but, c’était d’avoir deux personnages face à deux choix différents pour montrer qu’il n’y en a pas de mauvais. »

Cette histoire simple et intense se lit d’une traite. Les décors aux couleurs envoûtantes redonnent vie aux immeubles mornes qu’on ne prend plus le temps de regarder, et dont la géométrie ressort magnifiée d’entre les arbres touffus.

Ici, il est toujours question de cases et de grilles : elles apparaissent comme des fourmis, la première révélant toutes les autres. Les scènes de rêves explorent l’imaginaire avec une créativité et une étrangeté déstabilisantes. On y voit s’amplifier l’angoisse du choix, une thématique chère à l’auteur. Mais encore au-delà, une question est soulevée : celle du rapport de l’Homme à la nature. Il s’agit là aussi d’une notion importante pour la jeunesse, et inscrit Solstice dans notre époque comme dans notre génération. Sans se prononcer sur le sujet du véganisme ou encore de l’écologie, la bande dessinée laisse place à la réflexion du lecteur.

J’ai personnellement été remuée par cette lecture. Elle a su m’offrir une perspective plus qu’inspirante sur la vie et l’importance d’être fidèle à ses valeurs, mais m’a également séduite sur le plan graphique et narratif. Avec son rythme soutenu laissant malgré tout place à la contemplation, cette aventure colorée a défilé devant mes yeux comme un film. J’ai particulièrement apprécié l’aspect expérimental de certaines planches, où s’invitent cubisme, pointillisme et gravure botanique.

L’auteur de Solstice assure la relève avec un coup de crayon frais et des messages actuels comme poétiques qui parleront à plus d’un.

Même rédacteur·ice :

Solstice

Par Lucas Scholtes
Editions L’Employé du Moi , 2021
128 pages