La deuxième à droite, et droit devant jusqu’au matin ! de Christophe Pirotte
Un livre, un extrait (20)
Un livre, un extrait, un commentaire. Karoo vous propose un autre regard sur les livres ! Aujourd’hui La deuxième à droite, et droit devant jusqu’au matin ! de Christophe Pirotte.
1999, Gabriel Brown a 19 ans et il vient de perdre son grand-père, son ami, son idole.
— Arrête Gaby.
Une voix autoritaire s’était élevée de derrière la première ligne adverse. Dans un même geste, mes parents et les croque-morts se retournèrent.
Petite. Toute petite. Minuscule. Une toute petite bonne femme se tenait dans l’embrasure de la porte du funérarium. Une aura invisible rayonnait autour de son corps chétif. Elle irradiait d’une force incroyable et la lumière du soleil brillait dans ses yeux.
Impossible de discuter face à une telle puissance. Le plaquage de Grand-Mère stoppa mon geste.
— Veuillez nous laisser, s’il vous plaît, dit-elle.
Sans prononcer le moindre mot, le quatuor qui me faisait face abandonna le terrain la tête basse.
Grand-Mère prit deux chaises rangées le long du mur et les installa devant le cercueil. Elle attrapa mon bras et me força à m’asseoir. Impossible de résister, je n’étais pas de taille.
— Pourquoi veux-tu faire ça, Gaby ?
Ma mère estimait que Grand-Mère était atteinte de sénilité. Elle était pourtant la seule à essayer de comprendre mon attitude. Elle ne demandait pas ce que je faisais, elle le savait.
— Je veux le voir une dernière fois, bredouillai-je.
— Si c’est ton souhait, fais-le.
Les deux derniers mots avaient claqué comme un ordre.
De son aïeul, Gaby tient nombre de ses passions. L’une d’elle transparaît, se glissant dans les échanges entre le jeune homme et sa grand-mère.
La situation conflictuelle ici présente est un match. Un véritable match de rugby. Gabriel est seul face à l’équipe adverse composée de cinq joueurs. Parmi ces joueurs, on peut presque avoir l’impression que celle ayant « Grand-Mère » sur l’arrière du maillot se transforme en coach en milieu de partie. Une coach dure mais juste, qui a deviné la stratégie de l’athlète de 19 ans. Parfois, le match ne vaut pas la peine d’être joué. Il vaut mieux laisser le ballon ovale au vestiaire et ne pas risquer la blessure.