Pascale Toussaint revient sur la scène littéraire accompagnée de son quatrième roman, Une sœur . Précédé d’un résumé alléchant, le livre invite directement à plonger au cœur de son histoire. L’autrice bruxelloise nous raconte la vie d’Agnès, jeune femme mystérieuse, à travers une enquête subtile qui s’écarte du simple roman policier.
À travers ce récit, nous suivons le personnage de Claire, mère et épouse épanouie, qui apprend le décès de sa vieille tante, Agnès. Rongée par la curiosité, Claire part à la recherche d’informations sur la vie de cette femme de sa famille, entrée dans les ordres alors qu’elle était encore jeune fille. Piochant tantôt dans ses souvenirs enfouis, tantôt dans ceux des autres membres de sa famille, Claire recompose progressivement le puzzle qu’était sa tante, le mystère qu’elle et ses décisions pouvaient représenter. Pourquoi une si jolie jeune femme, fraiche et amoureuse, avait-elle décidé de dédier sa vie à Dieu et de devenir sœur, presque du jour au lendemain ? Le lecteur, amené dans ce labyrinthe d’épisodes de vie, tente petit à petit de répondre à cette question au moyen d’indices semés et découverts par Claire.
Labyrinthique, un mot qui permet facilement d’imaginer cette enquête à corps perdu dans la vie d’une autre. Entre les flashbacks et les passages d’un personnage à l’autre, on se retrouve parfois perdus. Le fil conducteur de l’histoire reste flou longtemps, comme détaché du roman, alors que des moments épisodiques de la vie de Claire ou d’Agnès nous sont offerts de manière éparse. Ceux-ci apparaissent de par la rencontre de Claire avec plusieurs personnages, tous intéressants à leur manière certes, mais malheureusement peu développés. Ainsi lâchés dans un amas d’informations et de doutes, on se retrouve rapidement à tâtonner à la recherche de sens de manière frénétique, ce qui relâche le suspens auquel on voudrait prendre part. Après nous avoir annoncé dans le résumé une enquête sur une histoire palpitante et familiale, l’étaiement triste de ce suspense brise l’ambiance tant espérée.
Pourtant, l’autrice parvient habilement à recréer un certain goût de l’enquête dans nos cœurs, notamment grâce à l’insertion de citations qui font sens en chaque début de chapitre. Ces petites citations, qui pourraient apparaitre comme peu de chose, de petits éléments légers de décoration, nous renvoient au texte et nous poussent à déchiffrer leur sens via l’histoire. Intriguée, on se retrouve alors à relire ces extraits et à chercher leur place au sein de chaque chapitre, tel des enquêtrices littéraires qui s’emballent et s’extasient. De plus, ces citations permettent d’appuyer le sens en rendant plus claire la volonté du texte de prendre une certaine direction. Nous sommes alors guidés, épaulés par ces citations d’auteurs illustres, qui nous indiquent le chemin tels des indices parsemés. Ceux-ci nous mettent alors l’eau à la bouche et nous engagent à jouer avec le texte.
Malgré cette dimension littéraire intéressante, l’histoire reste accessible. Si le lecteur peut se retrouver parfois perdu dans la foule des personnages, il se rassurera vite d’être accueilli par une plume concise, simple et agréable. En effet, Pascale Toussaint ne s’embarrasse pas de phrases à rallonge mais joue plutôt le jeu de la proximité. Au moyen de phrases courtes, composées d’un vocabulaire commun, elle tisse son histoire et réussit à toucher le lecteur. On est en effet directement happé par son style proche de l’humain et de la vie de tous les jours. Chacun s’y retrouve, des phrases qu’on pourrait entendre à des diners de famille nous plongent dans cette ambiance de proximité qui émeut. La plume touche donc par sa simplicité. Cela peut-être explique ce goût de trop peu qui reste sur la langue. Chaque personnage semble effleuré sans avoir réellement dégagé tout son potentiel. Les pages se tournent si vite qu’on désirerait en voir une centaine en plus apparaitre entre nos doigts.
Philippe, je le touche. Et lui aussi. Elle, non. Elle avait beau chanter Plus près de toi, mon Dieu … Il l’a appelée mais ne l’a pas touchée. Me revient une phrase que j’ai lue dans son cahier : L’homme ne vit pas que de pain . Cherchait-elle à s’en convaincre ?
Malgré tout, les questions abordées résonnent réellement en nous, comme les situations, et s’attardent dans nos cœurs bien après avoir refermé le roman. La question fatale de savoir comment une femme peut être amenée à renoncer à tout pour se tourner vers Dieu reste brûlante. À plusieurs reprises, le personnage de Claire est confronté à des questions liées au féminisme et notre cheminement de pensées progresse avec le sien. À travers ces interrogations, nous sommes interpellés et réellement intrigués. Un féminisme bien appuyé transparait de ce roman, et pourtant un féminisme qui se remet en question, qui évolue et apprend. L’histoire intéressera donc tout un chacun en s’attardant sur un sujet d’actualité tout en proposant une vision originale de celui-ci.
Enfin, le roman se conclut sur une note douce-amère. Une note d’amertume se glisse dans les incompréhensions passagères dues aux scènes incluant de nouveaux personnages, ainsi que dans l’effet d’enquête qui a parfois tendance à disparaitre face à un amas d’anecdotes, originales certes, mais peu révélatrices. Un roman en demi-teinte sous lequel on voudrait découvrir cent pages de plus pour nous rassasier enfin.