critique &
création culturelle
    C’était 2021 !
    Rétrospective culturelle #2

    Bientôt la fin de 2021… Voilà une occasion toute trouvée de revenir sur cinq moments culturels qui ont marqué cette année. Et pourquoi ne pas varier les plaisirs en évoquant différents formats de création ?

    Un roman graphique : Ne m’oublie pas

    Premier ouvrage écrit et illustré par Alix Garin, ce roman graphique aux couleurs pastel et aux traits fins retrace l’histoire de la grand-mère de Clémence, qui perd la mémoire. Elle ne cesse de vouloir rentrer chez elle. Ou plutôt ce qu’elle pense être chez elle, à savoir sa maison d’enfance, dans laquelle elle ne vit plus depuis des années. Ni une ni deux, sa petite-fille l’embarque sur les traces de son passé dans une dernière aventure rocambolesque. Un road trip à la Thelma et Louise, avec tous les obstacles et difficultés que cela implique, mais aussi tous les moments forts, de complicité, d’humour, de souvenir. Saut entre présent et passé, nostalgie, tristesse, tendresse, douceur, poésie, nature, couleur, mais aussi réflexion sur la place des femmes hier et aujourd’hui, sur la famille, sur le genre, le corps, la sexualité, l’art. Un ouvrage d’une beauté invraisemblable, tant dans le fond que dans la forme.

    Un spectacle : Esquive

    Mis en scène par Gaëtan Lévèque, ce spectacle de cirque s’est joué aux Halles de Schaerbeek les 12 et 13 novembre derniers. Sur scène : des trampolines, des plateaux qui se redressent, six corps qui tombent, flottent, se rattrapent, dansent, se suivent, se coordonnent. Six corps masculins, doux, s’entraidant, se soutenant. Bienveillants. Une technique irréprochable, impressionnante, une scénographie simple, de la toile, du bois, du mou, du dur, ça grince, ça tape. Une musique et des mouvements répétitifs, enivrants. À voir absolument.

    Un film d’animation : Get Animated

    Saviez-vous qu’à Bruxelles, tous les premiers jeudis du mois, l’ASBL Genre d’à côté propose des films qui traitent de genres, de sexualités, de féminismes ? Et saviez-vous qu’une fois par an, se déroule le Pink Screens Festival ? En effet, le festival de cinéma queer de Bruxelles propose des films, expositions et soirées dans divers cinémas tels que le cinéma Aventure, le cinéma des Galeries et le Nova. Dans ce dernier était proposé, le 20 novembre dernier, Get Animated, un ensemble de courts-métrages d’animation. On y parlait de sexisme, de vulves, de séropositivité, de dick pics , de sites de rencontre, d’esprit transgenre légendaire, de polyamour, de masturbation, d’hétéronormativité, de transition, de drag… et de plein d’autres choses encore ! On a été touché·es, parfois tristes, parfois énervé·es, mais on a aussi beaucoup ri. On a vu des coqs chanteurs d’opéra, des lions qui se font des bisous doux, des chats sado-masos, Bigfoot qui tombe amoureux, des bites qui pendent, des vulves qui dansent ou encore des parties de volleyball sur la lune. Bref, une pléthore d’univers différents à la fois décalés, poignants et drôles.

    Une installation : L’arc de triomphe, Wrapped

    Dernier projet de Christo et Jeanne-Claude : emballer l’arc de triomphe de l’Étoile. Mise en place en 2021 (après la mort de Christo) mais pensée depuis les années 60, l’installation s’est tenue à Paris entre le 18 septembre et le 3 octobre 2021. Au pied de l’arc, des bénévoles répondent volontiers aux questions, entament et encouragent la discussion. On y apprend que ce qui ressemble à du tissu est en fait un plastique bleu (qui sera recyclé) relativement épais et peint en argenté, cousu en partie directement sur le monument. Parfois, ça brille, parfois, on aperçoit des reflets bleus. En fonction du vent, on le voit s’animer ou se reposer sur les structures qui évitent d’abimer le monument. La perception de l’installation dépend du moment où l’on vient, d’où l’on se place, de ce que l’on regarde. On apprend qu’il n’y a pas véritablement de discours artistique derrière ce geste. Il y a surtout le geste d’emballer. On ne peut pourtant s’empêcher d’y mettre du sens : emballer, c’est substituer au regard, mais c’est également l’attirer à nouveau sur ce qu’on ne voyait peut-être plus. C’est montrer ce qui se cache. C’est aussi réfléchir la matière, les textures : l’opposition entre la dureté du bâtiment et l’apparente légèreté du tissu, de la pierre et du plastique. Et puis c’est surtout s’émerveiller des courbes, des plis, de la brillance, de la couleur, de l’immensité du projet. Une expérience hors norme et hors du commun, comme on a peu l’occasion d’en vivre.

    Un film : The French Dispatch

    Ce nouveau film de Wes Anderson raconte l’histoire de l’équipe de rédaction du French Dispatch, revue hebdomadaire de la ville d’Ennui-sur-Blasé. Tour à tour, prend vie à l’écran la chronique culinaire, la critique d’art, la revue politique... La vie des rédacteurices se mêle aux histoires qu’ielles racontent, à ce qu’ielles inventent, à leur imagination (ou celle du réalisateur ?). On se perd entre fausse réalité et vraie fiction. Tout est sans doute faux, et pourtant tout parait familier : les grèves étudiantes, les bouleversements de l’histoire de l’art, les vêtements, les lieux… Tantôt on est pris·es dans une esthétique chatoyante de bande dessinée, tantôt dans celle d’un vieux film français en noir et blanc. Parfois, on se perd un peu dans les récits entrecroisés, et pourtant on se plait à retrouver cet humour, cette composition léchée, ces plans d’une symétrie impeccable et ces acteurs grandioses que l’on aura décidément tout vu jouer…

    Voilà qui clôture déjà mon top 5 de 2021. Mais, qui sait, peut-être à l’année prochaine ?

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