critique &
création culturelle
2017, l’année de…
pas 2016, c’est déjà ça !

Tout le monde, potes et médias confondus, vous dit depuis un mois que 2016 a été une année pourrie. Soit. Mais franchement, Brexit et Trump mis à part, qu’est-ce que l’année écoulée a vraiment eu de pire que 2015 ?

S’il y a bien un domaine dans lequel 2016 aura été une année noire, c’est la musique. Pas tant pour les sorties, car il y a eu de très bons albums, mais pour l’état des troupes. Bowie, Prince, Cohen, Michael, White, Wemba, Mancuso, Temperton, pour ne citer qu’eux. Tous sont partis. La plupart sans prévenir. Ça sent le changement d’ère. Drapeau en berne pour les enfants des 1970-1980. Mais pour ceux qui comme moi ont aussi vibré sur la musique des années 1990 et du début des années 2000, il y a de l’espoir en 2017 : revue des effectifs au rythme des sorties à venir !

Ze album

LCD Soundsystem

S’il ne faut attendre qu’une sortie cette année, c’est sans doute celle-là. Celle qui décidera du statut de 2017 dans l’almanach du son. James Murphy nous l’avait juré, sans tergiverser, c’était fini. La clef sous la porte, terminé, ras-le-bol, il avait tout donné. Et puis ça lui manque, ça le démange, et ses potes aussi. Faire du studio c’est bien, mais c’est encore mieux quand on peut rendre dingues 50 000 personnes dans un stade, un champ de boue ou une usine désaffectée. Qu’on se le dise, qui dit nouvel album de LCD Soundsystem dit tournée, concerts et festoches. Surveillez bien vos agendas…

En une phrase : « Après moi… l’after ! »

Ils sont de retour

Nine Inch Nails

Par facilité sans doute, on s’est obstiné à enfermer Trent Reznor et sa bande dans l’indus, le trip hop métaleux et autres concepts fourre-tout. On a oublié le principal : NIN est un groupe monstre, qui alimente depuis presque trente ans (!!!) la scène musicale de son électro stridente, de sa mélancolie hybride, teintées de larsens synthétiques qui feraient porter du latex noir ébène aux ouailles du dimanche matin. Il y a quelque chose de religieux et de malsain dans la musique de NIN ‒ ne porte pas des ongles de 23 centimètres qui veut. Dans la Bible de NIN, c’est Dieu lui-même qui porte les cornes. Et quand on sait que pour cette nouvelle sortie, Reznor intègre dans l’équipe son acolyte de toujours, Atticus Ross, vous ne pouvez que vous convertir. Prosternez-vous, il est ressuscité !

En une phrase : « Si j’avais un marteau… je t’éclaterais la tête ! »

Zach De La Rocha

Il y a ceux qui ont goûté au hard de Metallica. Ceux qui ont dit merde à tout avec Kurt. Et ceux qui ont la rage, contre les machines, contre le capital, contre toi et moi, contre tout le monde. Ceux-là étaient ados quand Rage Against The Machine a sorti Killing in the Name en 1992 – c’était il y a un quart de siècle. Ceux-là ont pleuré quand le groupe s’est dissous en 2000. Ceux-là ont espéré quand Tom Morello a lancé Audioslave. Ceux-là y ont cru quand le groupe s’est reformé en 2007. Mais tous ont été déçus. La voix et les textes de Zach manquaient. Quoi de mieux qu’un clown maçon à la Maison Blanche pour reprendre la parole ?

En une phrase : « So you did what they told you ? Fuck you! »

Blondie

Tu es de ceux en soirée qui savent qu’un petit Heart of Glass va faire danser les minettes. Tu es de ceux qui savent qu’on n’a jamais rien fait de mieux que le disco pour faire bouger les culs, débrider the party et transformer ton appart en Studio 54. Tu ne sais pas pourquoi, mais même si tu prétends aimer les brunes, bien malgré toi tu fonds devant une blonde aux yeux de tigresse et à la bouche prédatrice.  Sans le savoir, tu es fan de Blondie. Et sans le savoir, tu vas te jeter sur leur prochain album, le premier depuis le très « woodstockien » Panic of Girls , sorti en 2011. Comme moi, tu espères que Deborah Harry remettra sa robe à paillettes…

En une phrase : « J’ai bien connu ton père… »

The Jesus & Mary Chain

Les frangins Reid circa 1985, réveillé par Michael Putland/Getty Images

Que ceux qui connaissent posent leur seringue et lèvent le doigt (pas le majeur, Serge…). C’est l’histoire de deux frangins, dans la digne lignée capillaire de Robert Smith, qui ne peuvent pas s’encadrer et qui ont décidé de fonder un groupe en 1984. Les deux loustics s’aiment tellement qu’ils n’ont pas réussi à finir un album en studio depuis… vingt ans ! À l’heure où j’écris, Damage and Joy est dans la boîte, mais si la bière n’est pas assez fraîche ou si la partie de snooker se finit mal, il se pourrait encore qu’on ne voie pas la couleur de cet album qui devrait être aussi corrosif et teigneux que les précédents. Bref, fingers crossed .

En une phrase : « Les Gallagher sont des tarlouzes ! »

Chic

C’était il y a vingt-cinq ans. La bande à Nile Rogers sortait son dernier album, Chic-ism . Si le « ism » vous dérange, il va bien falloir vous résoudre : Chic a créé un genre, un mouvement, une façon de faire de la musique (et la fête) qui a changé la face du son depuis quarante ans. La présence de Rogers dans le dernier album des Daft Punk n’est pas anodine. Alors que les rois du funk quittent l’un après l’autre ce monde depuis cinq ans, il faut se réjouir que Chic revienne sur le devant de la scène, avec un brin d’ironie : leur prochain album, It’s About Time , était d’abord prévu pour 2015. Les pleasure delayers apprécieront.

En une phrase : « J’ai appris aux robots à jouer de la guitare. »

Crash tests

À côté des vieux briscards qui refont surface, il y a des valeurs sûres qui n’ont jamais cessé d’enregistrer, chacun à son rythme, et qui vont encore une fois nous gratifier d’un nouvel album. Pour certains l’album de trop, pour d’autres la confirmation, pour ceux du fond une réelle prise de risque. En vrac, il va falloir les surveiller : avec Views , Drake a pondu un album en 2016 qui a divisé la critique, sans atteindre le niveau de sa mixtape If You’re Reading This It’s too Late , et qui lui met la pression pour 2017 ; Depeche Mode n’a plus rien à prouver et on se demande si son quatorzième album, produit par Simian Mobile Disco, lui permettra enfin d’être introduit au Rock & Roll Hall Of Fame ; parce que c’est Beck , on attend toujours avec la même impatience chacune de ses sorties… même s’il y a finalement peu à en attendre ; Alice Glass va devoir réaliser le difficile pari de lancer sa carrière solo après avoir quitté Crystal Castles, malgré un premier single prometteur en 2016 ; on connaît et on chérit l’enivrante synthpop de The XX et Chromatics et on espère que les deux groupes ne nous décevront pas cette année ; on se demande si Vampire Weekend peut réaliser un quatrième album qui se classera encore dans le top 5 des charts sans un des piliers du groupe et après avoir changé de label ; enfin, l’année de tous les dangers pour le projet de Damon Albarn : y a-t-il encore de la place en 2017 pour les popstars animées de Gorillaz ?

Coup de gueule

Sampha, mis dans le vent par Francesco Nazardo.

Rappeurs de tous les pays, faites du son, pas du pognon ! On nous annonce une énième sortie des papys businessmen Jay-Z et Puff Daddy – ou doit-on dire Diddy, ou Sean Combs ? Comme je n’ai pas envie de gaspiller mon encre et que je sais qu’aucun des deux ne fera aussi bien que A Tribe Called Quest , je passe la main. En revanche, je ne saurais que trop vous conseiller de bien faire attention au prochain album de Schoolboy Q , le nouveau gros bad boy de L.A., et, surtout, au premier album de Sampha , début février. Même pas trente ans et déjà des collaborations très remarquées avec Kanye, Drake, SBTRKT, Solange, FKA Twigs et Frankie Ocean. Excusez du peu.

2017, ce sera bien parce que…

Sigur Rós va peut-être sortir un album. Et quand le trio qui inspire Thom Yorke sème autant d’indices qu’il l’a fait en 2016, on se frotte les mains. Il pourra vous arriver n’importe quoi cette année, vous pourrez perdre une jambe ou tomber amoureux, vous vous ferez peut-être virer, ou vous sauterez en parachute pour la première fois. Le FN sera peut-être au pouvoir, Trump nous annoncera peut-être qu’en fait il est noir. Vous irez voir ou pas l’Épisode VIII, vous perdrez peut-être votre poisson rouge Boulbit. Tout ça n’a pas beaucoup d’importance. Parce que, quoi qu’il arrive, les post-rockers islandais de Sigur Rós vous feront du bien.

Allez, en route !

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