Les gens se demandent s’ils peuvent rire. Une femme dans la salle, elle, rit à pleine gorge. Les autres se demandent s’ils peuvent rire. Le collectif est en costume, c’est un concert sérieux pour des gens sérieux − dans une chapelle. À l’affiche, des classiques : Satie, Stravinsky.

Ce que le collectif s’efforce de nous rappeler, c’est que ces noms devenus classiques ne le sont devenus que par la force du temps. Et il le fait tantôt brillamment, tantôt maladroitement. Tantôt les musiciens nous convainquent de leur spontanéité par un jeu dépourvu de prétention et moqueur d’un académisme conformiste. Tantôt la mise en scène emprisonnée dans sa timidité verse plus dans l’imitation de la folie que dans le déploiement authentique d’une fantaisie sincère.

On regrette les mimiques de la soprano qui fait plus la personne qui fait la folle qu’elle ne l’incarne vraiment dans son expression artistique. On salue la qualité musicale de la performance : enthousiaste et déliée. Comme les spectateurs, on hésite : c’est vrai que la dérision est de mise et que la bienséance en prend un coup, mais l’on perçoit qu’il manque au concert un certain abandon, une violence anarchique plus affirmée, une destruction de tiroirs plus franche.

Parfois, on sent bien toute l’actualité des compositeurs dans un goût de polémique que les musiciens ré-excitent fort à propos. Parfois, on sent bien que le concert est celui d’une œuvre passée lorsqu’on est confronté à une esthétique Années folles qui se dispense d’innovation pour se figer en une curiosité muséale.

C’est décidément dans les derniers instants que la scène revêt ses allures tant désirées de Cabaret Voltaire et que la salle, avec nous, prend le parti de rire. Cela vient peut-être juste un peu trop tard et l’on reste, en quittant la chapelle, sur une impression de demi-fougue.