critique &
création culturelle
Alexandra Savior au Botanique
Sérénades automnales

Le 14 septembre, la chanteuse américaine Alexandra Savior a présenté ses deux premiers albums à un public enthousiaste, inaugurant la saison automnale pour sa première date en Belgique.

Son concert initialement prévu en mai 2020, Alexandra Savior aura fait languir le public bruxellois après un deuxième album, The Archer, particulièrement bien accueilli en janvier 2020 , qui l’a propulsée parmi les meilleures découvertes de l’année. Deux ans plus tard, la chanteuse est venue présenter pour la première fois en Belgique son répertoire musical rock et intimiste.

Alexandra Savior est le nom de scène de la jeune Alexandra Savior McDermott, originaire de Portland. Son premier album, Belladonna of Sadness , sorti en 2017 est produit par Alex Turner (Arctic Monkeys), qui découvre la chanteuse et la prend artistiquement sous son aile. Son deuxième album, The Archer, le dernier en date, attirera davantage la lumière sur lui. En effet, le premier, encore assez empreint de la patte Alex Turner au niveau du phrasé et des mélodies dans une indie pop assez léchée, peinait quelque peu à faire ressortir une certaine singularité malgré un talent déjà notable. C’est avec ce deuxième album, produit par Sam Cohen, qu’elle prend davantage le contrôle artistique tout en étant épaulée pour la production qui oscille entre la dream pop, le desert rock et la pop rétro psychédélique. Tout ceci habille un songwriting ficelé et habité, à la sensibilité proche d’un de ses modèles, Leonard Cohen, ainsi qu’une grande agilité vocale et un timbre au vibrato rappelant par moments les voix du jazz. Thématiquement, The Archer traite d’une relation toxique de sa genèse à son épilogue, relaté dans le morceau éponyme. Comme beaucoup d’artistes de sa génération, Savior se fait remarquer (notamment par Courtney Love) dès 2012 grâce à ses reprises sur Youtube, en s’initiant également à l’écriture de chansons dès ses 14 ans. Elle sera ensuite parfois comparée à des artistes telles que Fiona Apple pour une certaine aura mystique ainsi que son image décalée et romantique. Allergique aux aspects médiatiques du métier, elle prend son temps pour faire son nid dans l’industrie par des concerts et collaborations qui gagneront progressivement l’attention du public.

Odyssée intime rétro-pop

Ce n’est même pas encore l’hiver mais on peut voir une guirlande argentée tournicotant autour du micro, d’une extrémité à l’autre. Le concert débute de fait par le hanté et haut perché « Saving Grace » , un des morceaux le plus pop ainsi prévu pour échauffer un peu le public. Ce n’est que l’automne, mais les sonorités soufflent un vent glacé, la voix de la chanteuse déploie des frissons dans les poitrines.Savior est accompagnée de quatre musiciens dont la belle complicité et esprit d’équipe se ressentent tout le long du set. S’accompagnant également de sa guitare sur certains titres, elle profitera par moments de l’appui de ses musiciens pour s’épanouir davantage face au micro et se concentrer sur sa voix. Celle-ci se déploiera en même temps que sa présence scénique, à la manière d’une chanteuse de jazz ou rétro aux accents habités ondoyants.

Picorant dans chacun de ses deux albums, elle offre une prestation alternant morceaux mélancoliques et valsants, comme le paisible « Soft Currents » qui ouvre l’album, et d’autres plus rock et rythmés tel que « Can’t Help Myself » .

Artiste écorchée vive et sincère affichant une légère nervosité au début, elle prend ses aises progressivement et présente même deux nouvelles chansons au public. L’une d’elles, qu’elle caractérise de très « cheesy » , faisant par la même occasion des jeux de mots avec le français qui feront rire la salle avec elle, apportera ainsi un peu de légèreté à un répertoire jusque-là sous le signe du désespoir amoureux et existentiel. Une personnalité alternativement grave et décalée qui détonne ainsi agréablement avec le ton et le thème de la majorité des morceaux.

Le concert se clôt avec le doux-amer « The Archer » en rappel, déjà sollicité de nombreuses fois par le public. L’une des manières les plus suaves et veloutées d’introduire la saison musicale automnale.

Même rédacteur·ice :

The Archer

de Alexandra Savior
30th Century Records, 2020
30 min 30 s