Peut-on mettre la dystopie en musique ? Peut-on inspirer avec des notes ce sentiment qu’un avenir imaginaire ne nous rendra pas aussi heureux que notre quotidien actuel ?
La société créée de toute pièce par Philip K. Dick dans Do Androids Dream of Electric Sheep ? n’a en tant que telle rien de catastrophique. Même dans son adaptation au cinéma en 1982 par Ridley Scott, elle ne semble pas faire le malheur de ses habitants. Et pourtant, même s’il s’agit de robots, les personnages nous transmettent une certaine nostalgie, la conviction que les choses étaient mieux avant et que le futur a échoué à les rendre plus heureux. Y a-t-il en fait plus dystopique que la nostalgie d’un personnage futur ? Pour arriver à une telle empathie, il fallait une histoire, il fallait des images, mais il fallait surtout une musique.
Blade Runner a beau être classé dans la catégorie « science-fiction », Vangelis n’avait rien d’un compositeur futuriste. En 1981, Warner Bros fait le pari de lui confier la bande originale de Chariots of Fire .
Le risque est de taille : mettre en musique avec des synthétiseurs un film dont l’action se déroule en 1924 et alors que tous les accompagnements musicaux étaient jusqu’ici confiés à des orchestres symphoniques. Pari gagnant puisque Vangelis obtient l’Oscar de la meilleure bande originale. Les instruments électroniques ont validé leur examen de la plus belle des manières pour intégrer le septième art. Ridley Scott ne s’y trompe pas dès l’année suivante. Il ne veut pas d’une musique futuriste, mais d’une musique électronique qui « réplique » des instruments classiques, connus de tous. Évident quand on connaît l’intrigue.