critique &
création culturelle
Bloodlust
Body Count

Body Count est le groupe de métal du rappeur américain Ice-T. Casquettes de baseball et gros riffs, le groupe californien revient avec Bloodlust , un album politique et puissant.

Body Count , le groupe de rap/métal du rappeur américain Ice-T, a sorti fin mars 2017 son sixième album, Bloodlust, avec en invités Dave Mustaine ( Megadeth ), Max Cavalera ( Soulfly , Cavalera Conspiracy ) et Randy Blythe ( Lamb of God ). Autant de stars du métal qui rejoignent la star du rap et rempilent pour un album d’un genre qui semblait oublié.

Photo by Hristo Shindov/Courtesy of Century Media Records

Plus qu’un autre album de rap/métal, c’est un des groupes mythiques et précurseurs de ce genre qui remet le couvert et place encore une fois la barre très haut. Plus que des stars invitées pour faire bonne presse, les musiciens donnent une réelle valeur ajoutée aux morceaux auxquels ils participent. Rappelant aussi que le mélange, la fusion et la rencontre des courants est ce qui rend la musique vivante et ce qui fait que le rap/métal et la fusion ont encore de beaux jours devant eux.

Body Count , ce sont des Noirs américains de Californie qui décident un jour qu’ils peuvent aussi faire du rock, du punk et du métal. C’est, à l’époque, assez révolutionnaire. Certains groupes comme Run DMC avaient déjà joué Bring Da Noize avec Anthrax en 1991 mais le métal et tout ce qui en découlait était essentiellement une musique de Blancs de classe moyenne et n’abordait pas, ou de façon très détachée, les problèmes sociaux.

Body Count est un de ces groupes qui nous a prouvé que le métal ne s’arrêtait pas à une couleur de peau, que taper fort avec une double pédale en enchaînant les riffs ravageurs n’a pas de classe ou de groupe social spécifique. Certes, chaque album n’est pas réussi et il est arrivé que Body Count rate son coup, pourtant cette fois-ci, avec Bloodlust , c’est une réussite.

Le groupe aborde des sujets comme la violence policière ( Civil War , Black Hoodie ), les mouvements antiracistes aux États-Unis et la lutte des classes ( No Lives Matter ) ou la pauvreté des quartiers noirs ( This Is Why We Ride ). Autant l’époque d’ Original Gangster (1991) et l’influence du gangsta rap sont encore présentes, autant Bloodlust vise juste dans son approche et ne glisse pas dans une caricature grossière d’une position subversive facile.

Ice-T se fend même d’une reprise de Raining Blood , véritable hymne du trash métal composée par le groupe américain Slayer . Cette reprise est précédée par une explication, comme un retour en arrière, aux origines de Body Count : l’envie d’Ice-T d’offrir un espace à son ami Ernie-C pour jouer de la guitare, mélanger le rap et le métal en s’inspirant de Black Sabbath , Suicidal et Slayer .

Après plus de trente ans de carrière musicale, six albums avec Body Count et de nombreuses autres aventures musicales, Ice-T parvient, en 2017, à sortir un album équilibré, politique et puissant.

À une époque où le métal peine à se réinventer, se dépolitise et se caricature dans des tentatives de paraître encore subversif, Bloodlust arrive comme un camion-pompe dans une manifestation et rappelle qu’aujourd’hui encore, il existe des luttes et des combats. Qu’il est encore possible de faire de la musique qui dérange.

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Bloodlust

Body Count

Century Media,  2017