critique &
création culturelle
Dandy de Bertier
de l’art sans concession

Bouture du groupe rock Madeleine Bertier, le collectif Bertier nous prouve avec Dandy que la scène belge francophone a encore de beaux jours devant elle.

Dandy , le premier album de Bertier, est un conte dont la musique narre la rencontre d’une vingtaine d’artistes, et dont les mots traduisent l’histoire d’amour entre un dandy-bandit et une sirène. Au fil des morceaux, Bertier nous tend la main et nous invite à prendre le large afin de contempler ce tableau amoureux. Lui, c’est celui par lequel toutes les femmes voudraient être aimées : figure plurielle incarnant à la fois la fièvre et la douceur ainsi que la luxure et la bienveillance . Elle, on peine à la percer à jour. A-t-elle été biberonnée aux contes de fées ou aux hécatombes romantiques ? On l’imagine aisément minauder à travers les flots pour ensuite s’abandonner sur le radeau de la Méduse.

Dérivons sur le radeau de la Méduse

Je t’y dévorerai des yeux

Seule : tu n’auras plus d’excuse;

Il faudra - je suis furieux -

Que tu y passes, ma Baby Lol

La musique de Bertier possède ce sel qui fait la différence. Sa richesse provient de la parfaite conjugaison de chacun de ses membres : univers jazz, rock ou encore classique s’interpénètrent afin d’offrir neuf titres exaltants. Peu farouches, les sonorités sensuelles enrobent la poésie écrite et déclamée par la figure de proue du collectif Pierre Dungen. Sa voix veloutée et insolente est de celles dont on ne se lasse jamais. Incarnant le quatrième art d’hier et de demain, Bertier est habité par les spectres de Gainsbourg et de Bashung tout en s’inscrivant terriblement dans la modernité. À cela s’ajoute la voix éthérée de Lara Herbinia, dont les chœurs viennent parfaitement compléter les vibrations jugulaires de Dungen.

Cependant, l’on constate rapidement que l’album de Bertier se donne sans concession. La mélancolie de ses textes ainsi que la versatilité de sa musique plongeront certainement ses auditeurs dans un état de vif rejet ou au contraire dans celui de la jouissance.

L’album est introduit par le rythme percussif des batteries d’Amaury Boucher, sur lequel Baby L. et le Joulik entament leur sinueuse aventure. Au fil des morceaux, Dandy nous fait part de son ardente passion pour la jolie Baby Lol jusqu’à sa lente descente bordée d’états d’âmes et d’interrogations. Le tout s’articule sur le son des guitares de Yan Péchin. Cet homme est bien plus qu’un musicien, il est un peintre déposant, sur chaque morceau, quelques coups de pinceau. D’ailleurs, l’album dans son entièreté pourrait être appréhendé de cette manière : imaginons une toile sur laquelle se rencontreraient la touche divisée de Georges Seurat, les aplats primaires obsessionnels de Piet Mondrian et la ligne acerbe de Ludwig Kirchner. Si l’on transposait cette expérience dans un langage musical, l’on entendrait assurément résonner la musique de Bertier.

Même l’eau a quitté ses douves

Mais pourquoi déserter la geôle ?

Le monde de là-bas déconne

Tous, au dehors, fanfaronnent

Alors qu’ici, dans la piaule

Ton corps frissonne

Même rédacteur·ice :

Retrouvez le Dandy de Bertier sur https://open.spotify.com/album/2NBIkjYaFp3zqDtqtvXRKy