Comment sont nées tes vocations de chanteur et d’acteur ?
Tout a commencé avec le théâtre. Enfant, j’étais extrêmement timide, au point de me renfermer complètement sur moi-même. Pour y remédier, mes parents m’ont inscrit à des cours d’art dramatique. Ce fut pour moi une véritable révélation et libération. D’une certaine façon, je n’étais jamais autant moi-même que sur scène, en incarnant d’autres personnages. Quant à ma vocation de chanteur, elle s’est manifestée plus tard, de manière autodidacte et indépendamment de mon activité de comédien.

Quels sont tes projets en cours ?
Côté musique, je bosse sur mon premier EP qui doit sortir fin de cette année ou début de l’année prochaine. Côté interprétation, j’ai tourné dans le pilote de la web-série Genius aux côté de Charlie Dupont et Jean-Luc Couchard. Je vais commencer les répétitions de la pièce Un conte d’hiver de Shakespeare (mise en scène de George Lini), qui sera jouée en janvier au Théâtre du Parc. Je vais tourner dans le film Grave de Julia Ducournau. En outre, j’ai eu le plaisir de jouer dans la série la Trêve (RTBF), réalisée par Matthieu Donck, dont la sortie est prévue en fin d’année. Et enfin, j’ai participé à deux autres longs métrages qui sortiront en 2016 : Un petit boulot de Pascal Chaumeil (avec Romain Duris et Michel Blanc) et les Survivants de Luc Jabon (avec Fabrizio Rongione).

Parlons de ton éclectisme. Comment tes différentes identités artistiques interagissent-elles ? Ton activité de comédien influe-t-elle par exemple sur ton activité de chanteur ?
Absolument car, consciemment ou non, ces identités cohabitent dans mon travail. Mes performances live de chanteur sont indissociables d’une certaine théâtralité : physiquement, je dois occuper la scène comme un comédien. En outre, il y a un lien direct entre le public, l’œuvre et l’artiste. Pour l’écriture de mes chansons par ailleurs, j’associe toujours mes mélodies à des images et mises en scène.

Outre les points communs inhérents aux deux arts de la scène que sont le théâtre et la performance live, t’arrive-t-il d’exploiter volontairement ceux-ci ?
Bien sûr ! Pour moi, la scène live est le lieu théâtral par excellence car je m’y sens plus libre dans mon expression artistique corporelle et émotionnelle. C’est pourquoi je joue beaucoup sur l’interactivité avec le public en regardant constamment les gens droit dans les yeux, en m’approchant d’eux et en expérimentant de nouvelles choses en direct comme lors de mon passage aux Nuits du Soir où j’avais proposé aux spectateurs une expérience en 3D.

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Tu entends par là que la scène live est en quelque sorte plus théâtrale que le théâtre ?
Au théâtre, on doit généralement respecter plus de contraintes : le quatrième mur [mur imaginaire séparant les comédiens du public, jouant en vase clos , ndlr ] par exemple, même s’il est de moins en moins présent dans le théâtre contemporain, l’auteur et le script, le metteur en scène… Selon moi, une performance live ne doit pas ressembler à une visite au musée, où les artistes joueraient derrière une vitre, coupés des spectateurs. Je tiens à préciser que cette vision n’engage que moi car certains comédiens vous diront qu’ils se sentent plus libres au théâtre !

Parlons musique. Peux-tu nous parler de ton passage du groupe Seek the Duke à ton groupe actuel Mustii ?
À dix-sept ans, je grouillais d’idées mais il me manquait une structure, alors j’ai décidé de réunir des musiciens pour bâtir un projet musical commun. Seek the Duke se caractérisait principalement par une musique pop et rock, des genres classiques. Cette expérience s’est révélée enrichissante mais, à un moment donné, j’ai voulu sortir des sentiers battus et explorer ma propre voie en me lançant dans une carrière solo. En fait, Mustii est l’évolution de Seek the Duke. Deux musiciens de l’ancien groupe font d’ailleurs partie du groupe actuel. J’ai donc fait ce choix par cohérence, pour aller au bout de mes compositions personnelles (mélodies et textes).

Comment définirais-tu l’identité musicale de Mustii ?
Mustii s’inscrit dans un mélange d’électro-pop et de new wave avec des influences des années 1980, notamment les groupes Talk Talk ou Depeche Mode. J’aime aussi parler d’ epic pop, un genre mettant l’accent sur les mélodies pop et les chœurs, le vocal. Epic renvoie ici à une idée de puissance et d’envolée. Le premier EP permettra au public de mieux découvrir tous ces aspects.

Quelles sont tes influences principales ?
Sans hésiter, David Bowie ! Pour sa musique mais également pour sa vision de l’art, envisagé comme un perpétuel renouvellement. J’adore Bryan Ferry pour les mêmes raisons, et pour son côté glamour.

Tu veux dire qu’en plus d’inventer des œuvres, ils se réinventent eux-mêmes ?
En effet. Concrètement, je me suis construit autour de deux axes majeurs : le synthé et la voix. Je considère la voix comme un instrument à part entière, un instrument humain qui permet de véhiculer potentiellement plus d’émotions car il est au plus près du corps. Niveau groupes anciens, je songe à des groupes des années 1970 et 1980 comme Kraftwerk, New Order, Depeche Mode ou encore Grace Jones. Plus récemment, à Florence and the Machine et Thomas Azier. Mes influences s’enracinent donc principalement dans la culture musicale anglo-saxonne.

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Quel regard portes-tu sur la scène musicale belge ?
En ce qui concerne la scène francophone, que je connais mieux, je constate une influence grandissante de la culture anglo-saxonne depuis le début des années 2000, marqué par une effervescence de groupes rock. D’une part, il y a une personnalisation des groupes, c’est-à-dire que de plus en plus de groupes se rallient derrière le nom d’un individu, d’une figure, au lieu de porter un nom de groupe . D’autre part, l’approche des performances live a changé, on voit de plus en plus d’artistes jouer avec le public et interagir avec lui en favorisant la spontanéité et l’échange. En résumé, le paysage musical francophone semble plus ambitieux et décomplexé.

Il semble que le thème de l’animalité constitue un fil rouge dans plusieurs œuvres : en musique (d’où le titre Release the Beast ) ou en film (avec le court métrage Zeus ). Penses-tu que l’art soit un moyen idéal pour exprimer nos pulsions animales ?
Oui et non. Si je prends l’exemple du live, c’est un lieu d’expérimentation idéal pour ces pulsions. Mais c’est aussi une illusion car on ne s’en libère jamais complètement. Il est vrai que sur scène j’ai l’impression de purger mes instincts primaires, même les pulsions sexuelles, car je me mets totalement à nu . Je ne veux pas que le public regarde un chanteur comme un objet de musée, empaillé, intouchable et séparé de lui, qui joue en retenue et s’écoute jouer.

Tu conçois donc le concert comme un don de soi ?
Tout à fait. Je donne mon corps, ma voix, mes émotions et, surtout, mon regard. Je plonge mon regard dans celui des spectateurs pour leur communiquer mon énergie et m’inspirer de la leur. En fait, si je me donne autant, c’est pour sortir de moi-même, me dépasser et m’arracher à ma zone de confort, car c’est seulement en me mettant en danger que j’ai le sentiment de vivre pleinement. On pourrait presque parler d’expérience mystique !

Penses-tu que l’art, en assouvissant cette dimension profonde souvent réfrénée dans la vie réelle , nous permet en quelque sorte de devenir pleinement humain ?
Plus que d’animalité, je parlerais d’expression corporelle, physique. Bien évidemment, il y a une part de purification, d’exutoire des pulsions profondes sur scène. Ce n’est cependant pas un but en soi mais une manière d’atteindre quelque chose de constructif et de supérieur : inspirer le public pour qu’il sorte galvanisé du concert. Peu importe la forme que prend cette inspiration, pourvu qu’il y ait un déclic ou un supplément d’énergie. C’est toute la difficulté sur scène : trouver l’équilibre entre le lâcher prise et la distanciation, exprimer ses émotions tout en ne se laissant pas dominer par elles!