Les Roussepétards
Radio Campus Bruxelles, vendredi, 15 heures.
Les Roussepétards sortent du studio situé en plein cœur du campus Solbosch de l’Université libre de Bruxelles. Les Roussepétards, ce sont des journalistes venant d’un atelier protégé et experts du quotidien. Pendant une heure, ils parlent d’amour, de sexe et de brocante. On peut parfois les voir déambuler sur l’avenue qui traverse le campus, micro en main, interroger des étudiants pour leur émission. Si un jour vous passez par là et qu’ils vous interpellent, ne soyez pas comme ces étudiants méprisants qui n’ont pour eux qu’un regard amusé et s’écartent d’eux bien vite : donnez-leur un peu de votre temps.
Je suis affalé dans le canapé de la salle de rédaction pour récupérer après un examen, à les écouter sortir du studio, discuter avec Zoé « Suzanne Laflèche » Jadoul leur animatrice, ou interpeller Jean-François, le secrétaire de la radio, qui les accueille avec un grand sourire. Je souffle un peu : si j’adore écouter leur émission, les adore eux, j’adhère mal à leur sélection musicale. Johnny Halliday, le 6/9 d’NRJ : pas ma tasse de café, quoique assez kitsch pour me faire tout de même sourire.
Une fois rendue l’antenne, une playlist se met en route : une BNS, pour bande non-stop, un mix de quelques dizaines de minutes, construite par un membre de la radio afin d’alimenter l’onde d’un flux de morceaux enchaînés. Radio Fluxus dans le jargon de la maison. Les Roussepétards disent au revoir à tout le monde, puis s’en vont finalement ; le calme revient.
Toujours affalé dans le canapé qui a vu défiler des kilomètres d’animateurs et d’invités, je ne prête qu’une oreille distraite à ce qui passe à l’antenne. J’essaie plutôt de saisir ce que se disent quelques animateurs présents dans les locaux. « Ils étaient en forme… – Tu as écouté le dernier album de… – Non, mais Johnny… – Tu iras au concert… » Puis silence. Le Zizi de Pierre Perret passe sur la BNS.
Un animateur sur le point de partir lâche son sac et file en régie, reprend l’antenne et lance un morceau. Tout, mais pas Perret. Une ligne de battements de tambour en cuir brut se répète quelques secondes. Puis un tempo aigu au synthétiseur s’en mêle. Enfin s’ajoute un chant de gorge féminin, samplé sur une nappe électronique qui rappelle les heures glorieuses de Bonzai Records. La rupture avec Perret est pour le moins radicale.
Amusé par le grand écart musical, je rejoins l’animateur en régie. Il balance Electric Pow Wow Drum d’A Tribe Called Red, que je ne connais pas. Mashup entre de la musique électronique et du powwow des Premières Nations (peuples autochtones du Canada), autant dire un clash musical en soi.
Refrain, changement de tranche sur la table de mixage : trois secondes de Perret. « Tout, tout, tout, vous saurez tout… » Le sifflet de Pierre Perret est coupé par une reprise du chœur de femmes natives. Et ainsi de suite pendant trois minutes : beaucoup de la Tribu, deux ou trois secondes de Perret, jusqu’à ce que ce dernier se taise et que le morceau suivant se lance automatiquement.
Depuis lors, j’ai téléchargé gratuitement le premier album , éponyme, sur le site d’A Tribe Called Red. Leur esthétique offre aux étudiants des Premières Nations un rapatriement de leur culture traditionnelle dans une forme musicale de club sur laquelle se trémousser furieusement, ou planer un peu dans un ambiance chill , des morceaux plus doux qui séparent les pistes qui remuent le plus.
ACR est une tentative d’offrir autre chose que l’ambiance glauque des buvettes qui jouxtent les réserves et qui font commerce sur la misère des native Americans . Une possibilité de faire sortir la musique des (femmes) aborigènes des réserves et de la rendre pop, populaire, vivante. L’espoir de casser le fétichisme empêchant la diversité de la culture tribale des Premières Nations, de sortir la culture cloîtrée dans les réserves de son statut d’objet de musée.
Pour moi, ce fut une belle découverte, d’un son moderne et plein d’énergie. Et une bonne tranche de rire, une fois mélangé à Pierre Perret.
L’animateur branche le micro de la régie. Radio Campus, parce que parfois même les animateurs en ont marre.
Liens :
Les Roussepétards :
http://www.radiocampus.be/les-roussepetards/
Suzanne Laflèche :
http://www.suzannelafleche.be/
Amour, Sexe et Brocante :
https://www.mixcloud.com/suzanne-lafleche/amour-sexe-et-brocante/
Electric Pow Wow Drum :
https://soundcloud.com/a-tribe-called-red/electric-pow-wow-drum
Bonzai Records :
http://www.bonzaiprogressive.com/
A Tribe Called Red (téléchargement de l’album) :
http://www.electricpowwow.com/