Denis (Laurent Capelluto) a quitté son village pour devenir un artiste mondialement connu. Mais voilà que ses origines se rappellent vaillamment à lui sous les traits de Shérine…
Shérine, son ancienne amie, est devenue quant à elle directrice du nouveau centre culturel du bourg natal, qui a convaincu la commune d’investir massivement dans son inauguration en format « Rétrospective » de l’artiste du pays. Histoire d’attirer les touristes. Histoire d’attirer Denis aussi. Qui se fait ainsi offrir un retour aux sources hésitant.
Son ancienne maison est transformée en musée aménagé pour l’occasion. Il y a ce centre culturel clinquant qu’il « n’imaginai[t] pas comme ça ». Et ce centre fermé pour migrants ouvert également il y a peu.
Il y a Shérine (Sandrine Laroche), qui met toute son énergie à l’organisation de cette rétrospective, épaulée par Ana (Sarah Joseph), la régisseuse, assez indifférente à l’art de Denis, mais qui met son pragmatisme au service de ses sautes d’humeur et Stéphane (Jonas Claessens), le jeune étudiant en art, admiratif mais circonspect devant les doutes qui assaillent l’artiste. Tout ce petit monde est mis à contribution pour l’installation de l’exposition.
Le décor est planté. Un espace vide. Des toiles à disposer. Un artiste qui doute. Et ces deux centres aux perspectives bien différentes mais dont les histoires vont s’entremêler. À la grosse louche.
Si l’idée de mettre en vis-à-vis la création, d’une part, d’un centre dédié à l’Art (avec toutes les belles intentions que cela comporte, mais également toutes les manœuvres et toute la futilité qui peuvent en découler) et, d’autre part, d’un centre dédié à l’accueil d’êtres humains en transit (avec toute la difficulté d’acceptation et d’organisation que cela implique) est louable et manifestement tirée d’une histoire similaire à Arlon, sa traduction théâtrale par Bernard Cogniaux ne convainc pas entièrement. La réflexion sur l’art, ses protagonistes politiques, économiques et artistiques, le dialogue équilibriste entre une directrice responsable des subsides octroyés et un artiste égocentré sur son œuvre, le sens à donner à une œuvre, sonne juste mais reste souvent à hauteur de clichés, tout comme les incursions narratives au centre fermé : solidarité des uns, haine des autres, drame inévitable. La liaison entre les deux tableaux ne fonctionne guère mieux, ni par l’histoire, ni par les slams de Sarah Joseph.
Les tourments de l’artiste ne restent pas moins abordés avec force humour et bienveillance, portés de main de maître par le toujours impeccable Laurent Capelluto auquel Sandrine Laroche donne une réplique compréhensive et harmonieuse. Ironie du sort, la mise en scène échoit à Pietro Pizzuti, qui retrouve avec un plaisir évident ses deux anciens étudiants du Conservatoire. La petite salle du Public accueille parfaitement sa mise en scène sobre et efficace. Le cœur n’est simplement pas touché. Et le genre annoncé, slam rhapsodie , non rencontré.