critique &
création culturelle
Thomas Mustin,
ton nom est Hamlet !

Rencontre avec Thomas Mustin, l’interprète du personnage d’Hamlet dans la nouvelle adaptation de cette pièce proposée par Emmanuel Dekoninck. Un comédien totalement en phase avec son rôle !

À l’occasion de la représentation de la pièce Hamlet , adaptée par Emmanuel Dekoninck au Théâtre Jean Vilar du 12 au 27 mars à Louvain-la-Neuve, nous avons rencontré le comédien Thomas Mustin qui y interprète le rôle d’Hamlet. Nous avons abordé en toute simplicité son expérience et cette réadaptation  en échangeant une réflexion riche et tissée de sens sur son personnage.

Je crois que ce qui m’attire dans le personnage d’Hamlet, c’est qu’on traite de la folie sans en refléter un fou.

Aviez-vous déjà ressenti personnellement l’envie d’interpréter le rôle d’Hamlet avant qu’on vous le propose ?

Je n’avais pas l’envie précise de jouer cette pièce, mais je pense que c’est un rôle culte dans lequel n’importe quel acteur s’est déjà projeté. Interpréter le rôle d’Hamlet est une expérience curieuse et intéressante à traverser pour un acteur. J’ai plutôt eu la chance qu’une proposition concrète s’offre à moi lorsque Emmanuel Dekoninck, le metteur en scène, m’a proposé le rôle !

Qu’est-ce qui vous a intrigué dans le rôle ?

Je crois que ce qui m’attire dans le personnage d’Hamlet, c’est qu’on traite de la folie sans en refléter un fou. Ce qui m’a intrigué, c’est de partir de l’idée que le personnage est sain d’esprit au départ. Le metteur en scène n’a pas décidé d’en faire un fou, mais plutôt de refléter un jeune de son époque droit dans ses bottes, qui va se sentir de plus en plus en décalage avec le monde et les gens qui l’entourent. Au départ, on peut croire qu’il est fou car il est de plus en plus en désaccord avec la société qui l’entoure, mais c’est cette discordance qui engendre sa folie. En fait, ce n’est pas sa folie qui m’a intrigué, mais plutôt sa descente aux enfers : le fait de raconter comment retrouver sa place quand on est en discordance avec le reste, comment recomposer sa partition dans un monde qui nous ait aliéné et en revendiquant le sentiment qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond pour nous-même. Hamlet est un personnage qui a besoin de montrer aux autres que ça ne tourne pas rond, que l’on ne peut pas continuer dans cette situation et que lui, en tout cas, n’y trouve pas sa place. C’est cette réflexion qui l’amène à se poser la question de vivre ou de mourir, d’être ou de ne pas être. Il se demande s’il a sa place dans ce monde-là, ce monde dont la manière de fonctionner ne lui convient pas. Ce qui m’a beaucoup plu aussi c’est, qu’au final, toute cette réflexion est très moderne. Ce sont des questions comme « Quelle est ma place ? », « Est-ce que ce monde me convient ? », « Quel est le sens que je veux donner au monde tout en ne comprenant pas toujours celui que les autres veulent lui donner ? ». Cette pièce propose aussi de se demander ce que l’on doit faire avec ces questions : s’en servir pour créer des choses, les fuir ou se supprimer pour ne pas devoir faire face à cela ? Je trouve que l’on rencontre des questions modernes en abordant le personnage d’Hamlet et son parcours.

Comment s’est construite l’adaptation de la pièce ?

La pièce originelle dure quatre heures, ce qui est un peu long. Il a donc fallu qu’Emmanuel Dekoninck la découpe pour raccourcir le temps, tout en faisant attention à ce que l’on ait le cœur de la narration et que le récit reste juste et limpide pour les spectateurs. De toute façon, il y a déjà, au départ, un travail de réadaptation dans la traduction de la pièce anglaise en français. Emmanuel a donc gardé la poésie de Shakespeare, mais tout en l’adaptant. En fait, il l’a surtout modernisée en gardant globalement le récit.

Il avait aussi la volonté que la musique soit un des piliers de la création et que chaque acteur soit mobilisé d’une manière ou d’une autre en apportant sa contribution à la pièce. C’était important pour lui d’avoir des acteurs musiciens ou en tout cas une troupe qui touche un peu à tout. Il avait le désir de créer quelque chose d’hybride à l’aide d’une équipe multiple. Dans cette pièce, en tant qu’acteur, on est engagé pour plus que du théâtre. J’aime d’ailleurs l’idée qu’il y ait différents outils pour raconter une histoire. Je trouve cela chouette pour le spectateur et pour l’acteur. En effet, je trouve qu’il y a parfois des sujets ou des ressentis qui sont moins faciles à exprimer dans un domaine et qu’un autre peut par contre mieux en témoigner.

Au niveau des chansons, il y en a une qui vient d’un poème provenant de la pièce Hamlet . Les autres sont des musiques plus diverses (Barbara, Bowie…). C’est avant tout Emmanuel et le directeur musical qui en ont discuté. Je les ai juste aiguillés vers David Bowie étant un grand fan (rires) , mais surtout car je trouve que c’est un personnage hamletien. Selon moi, beaucoup de ses textes font écho à Hamlet et lui-même l’a déjà cité lors de ses tournées.

Ce n’est pas la folie d’Hamlet qui m’a intrigué, mais plutôt sa descente aux enfers.

Quelle est la scène que vous préférez jouer ?

J’aime jouer la scène où Claudius demande à Hamlet de partir en Angleterre pour sa propre sécurité. C’est l’un des moments où Hamlet est au bout du rouleau et que son entourage ne sait plus quoi faire de lui. Hamlet va acquiescer avec beaucoup d’ironie, mais ne partira pas pour finir. Je l’aime bien car je trouve qu’elle est bien écrite, mais surtout parce que je la trouve particulièrement parlante au niveau des métaphores. Je n’en dirai pas plus. (Rires) À découvrir sur scène !

Photo : Véronique Vercheval

Qu’est-ce qui a été le plus enrichissant dans cette aventure ?

Il y a, tout d’abord, la rencontre avec la troupe. Nous avons eu la chance de faire une résidence ensemble pendant deux semaines. C’était une expérience très riche. Emmanuel Dekoninck tenait au fait qu’il y ait une bonne ambiance entre nous, ce qui a permis de rendre cette expérience riche humainement. J’ai également beaucoup aimé travailler sur un projet mêlant le jeu théâtral et la musique. Mais surtout, je me suis rendu compte que j’avais appris énormément de choses avec le personnage d’Hamlet. Ce rôle est une école, un parcours vaste car il y a plein de possibilités qui s’ouvrent au comédien. En travaillant cette matière-là, en deux mois de répétition et de travail, j’ai l’impression d’avoir appris tellement.

De quoi avez-vous le plus peur dans cette aventure ?

J’ai eu peur de ne pas en être capable car cette pièce est une montagne. Ce rôle est génial mais tellement angoissant car il y a plein de chemins envisageables, d’interprétations possibles. En plus, il y a eu tellement de manières de l’aborder à travers les décennies que la difficulté est de se demander quelle vision en tant que comédien je vais refléter avec ce personnage. À un moment donné, il faut prendre de vrais axes et face à un monument comme celui-là, on a parfois peur d’y toucher. Mais au final, les décisions se sont prises assez naturellement avec Emmanuel.

Qu’auriez aimé que Shakespeare vous dise s’il avait l’occasion de voir votre réadaptation ?

J’espère qu’il aurait, avant tout, retrouvé son histoire et qu’il l’aurait comprise. J’espère que l’histoire se raconte et qu’on est resté, malgré l’adaptation, fidèle au cœur du récit.

Même rédacteur·ice :

Hamlet

d’après William Shakespeare

Adaptation et mise en scène d’ Emmanuel Dekoninck
Avec Thomas Mustin, Bénédicte Chabot, Alain Eloy, Fred Malempré, Gilles Masson, Fred Nyssen, Taïla Onraedt, Gaël Soudron, Jérémie Zagba

Création atelier Théâtre Jean Vilar

95 minutes

Une deuxième partie de tournée est attendue pour l’année prochaine.

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