Nous sommes amenés à prendre des centaines de décisions chaque jour, d’aussi loin qu’on s’en souvienne. À ce stade, cela fait déjà des milliards et des milliards de décisions de prises. Mais avez-vous idée des influences qui s’exercent sur vous ? Avez-vous conscience de la contamination d’idées qui vous amènerait à faire « comme tout le monde » ?

Première apparition du spectacle : une femme vient se glisser sous le rideau, et nous interpelle avec ses bras longs de plusieurs mètres, dont les mains s’animent au rythme de la musique. Le ton surréaliste est donné d’entrée, et pourtant, le fond s’ancrera souvent dans des questions bien réelles.

Les tableaux s'enchaînent : un banal échange rituel (« Comment ça va ? ») où l’on pousse l’interlocuteur à se montrer aussi abattu que soi-même, des fêtards déjantés, deux platistes québécois qui nous démontrent presque rigoureusement que la Terre est plate et que le réchauffement climatique n’existe pas, vu que l’on voit toujours l’eau descendre et non monter, des managers se préparant à virer des milliers d’employés qualifiés « d’inutiles », que l’on se propose d’envoyer au Malawi car ils seront toujours moins inutiles que leurs inutiles de là-bas...
Les scènes présentées sont à la fois mordantes de cynisme et loufoques à souhait, si bien que l’on s’amuse tout en étant consterné. Finalement, malgré leur absurdité, ce sont les personnages loufoques eux-mêmes qui nous distillent leurs réflexions sur la non-conformité : osez nager à contre-courant, ouvrez votre esprit aux (im)possibles, placez-vous en dehors du groupe et osez le questionner.

La pièce est portée par les comédiens Mireille Bailly, Pénélope Guimas, Loriane Klupsch, Fabrice Schillaci, Fabian Finkels et François-Michel van der Rest, qui s’amusent avec les costumes, les accents et les personnages qui leur sont offerts, miroirs de nous-mêmes dans une certaine mesure.

Les transitions de scènes sont assurées par un esprit malicieux poétique et virevoltant, interprété par Astrid Akay. Le seul personnage réellement unique, magique et insouciante, elle invoque le mouvement, la lumière, la danse, le profond et le léger à la fois, brise les dimensions et nous emmène à la frontière du réel. Pourtant, malgré son apparent détachement, elle semble à certains moments se battre contre une force qu’elle cherche à tirer dans sa direction.
Succomberait-elle aussi finalement à cette envie d’influence ?

Le spectacle s’achève sur la conclusion qu’il faut laisser une chance aux nouvelles façons de faire. Le dénouement survient, à l’image de l’entièreté du spectacle, en une dernière scène riche en danses et couleurs ; tout ce qui est figé est balayé , et l’énergie l’emporte (à l’instar de la chanson utilisée en final, Energy de Sampa The Great). Mention spéciale, par ailleurs, pour la diversité des musiques et des effets sonores utilisés tout au long de la pièce.

Et finalement, pourquoi aurez-vous envie de voir ce spectacle ? Parce que vous aurez lu une critique qui vous aura enthousiasmé ? Parce que vous aurez envie de vous faire votre propre avis ? Ou bien parce que vous voudrez défier cette vague d’enthousiasme en allant à contre-courant ?