critique &
création culturelle
Konoba
l’heure de la maturité ?

Raphaël Esterhazy, alias Konoba, est tout jeune mais son parcours est déjà riche. Son expérience en Angleterre, hyper-formatrice, lui permet de trouver des ressources créatives originales pour faire parler de lui et s’installer dans le paysage musical belge. La preuve ? Un EP sortit le mois dernier et un album pratiquement prêt.

Découvrez Konoba et les sessions Karoo dans la Galerie.

Raphaël Esterhazy, par quoi faut-il passer pour arriver à Konoba ?
Je fais de la musique depuis que je suis tout petit. À dix-neuf ans, je suis parti à Londres pour suivre pendant un an un cours de musique, plutôt axé sur le chant et la performance scénique. Ensuite, j’ai pris la direction du Sud de l’Angleterre pour intégrer l’université de Brighton. Là, j’ai étudié la production musicale. Ça comprend tous les domaines qui permettent de faire de la musique : de la création (composition pour le cinéma ou la télé…) jusqu’à une partie du boulot de l’ingé’ son (technologie musicale, studio, mix…). C’est très vaste et j’ai appris beaucoup de choses pendant cinq ans.
Là-bas aussi, j’ai enregistré trois EP avec lesquels je suis rentré finalement en Belgique pour relancer le projet ici avec une bonne équipe de musiciens et de techniciens. Avec ces trois EP, j’avais déjà pas mal bossé et je n’avais plus trop envie de recommencer à zéro. Alors, j’ai essayé de trouver une manière un peu créative de faire parler de moi et j’ai pensé à des mashups composés des succès musicaux belges en 2013 et 2014. Ensuite, j’ai lancé une campagne de crowdfunding pour financer la création et l’enregistrement de l’album. Les résultats ont dépassé mes attentes et l’album est presque fini !

Mais qu’est-ce que Konoba ?
Konoba, c’est mon bébé musical ! J’ai commencé par faire tout, tout seul : j’ai composé, interprété, enregistré et mixé les premiers morceaux en solo. Ce que nous faisons maintenant, c’est à mon sens de la pop alternative. On part d’une base très pop, rythmique et percutante, et on y greffe beaucoup d’instruments, notamment électro, pour lui donner un peu plus de richesse. Et ça a pas mal évolué depuis le début. J’essaie évidemment de me mettre le moins possible de barrières pour la création. Je veux éviter de rentrer dans les boîtes ou les formats commerciaux. J’essaie de me faire plaisir musicalement et sur l’aspect sonore.

Si vous ne deviez retenir qu’une seule expérience de votre vie en Angleterre, ce serait laquelle ?
En Angleterre, j’ai énormément joué dans les bars et les pubs, sur de petites scènes, dans des conditions difficiles, avec un public bruyant et pas toujours attentif. Ce fut très formateur. Il a vraiment fallu me faire les dents. Je pense que c’est très important pour un artiste, plus encore pour un musicien, de passer par là plutôt que d’arriver de nulle part via un télécrochet. En tout cas, ce fut important pour moi de passer par ces étapes.

C’est différent d’être musicien en Belgique ou en Angleterre ?
En Belgique, on est très peu chauvin pour la musique. En Angleterre, ils écoutent énormément ce qui se fait chez eux, tandis que nous sommes beaucoup plus influencé par notre culture française, tout en écoutant aussi ce qui se joue aux États-Unis ou au Royaume-Uni.

Alors, est-ce plus facile pour un musicien en Angleterre ?
Oui et non. Paradoxalement, c’est plus facile de vivre correctement de sa musique en Belgique. Il y beaucoup plus de structures en place et de ressources disponibles pour faciliter la vie des musiciens chez nous : les cachets sont plus importants, on peut répéter ou enregistrer gratuitement dans certaines salles. Quand on démarre, on est plus aidé. En Angleterre, rien de tout cela n’existe. En Belgique, donner un concert dans une petite salle bien remplie est rémunéré honnêtement. En Angleterre, les cachets remboursent à peine l’essence du déplacement. En contrepartie, si on perce en Angleterre, on perce dans le monde entier. Avoir du succès en Belgique, ça n’ouvre évidemment pas les mêmes portes.

Cette situation a-t-elle été l’une des raisons de votre retour en Belgique ?
Oui, un peu. J’ai vu autour de moi, et c’est triste, beaucoup de musiciens extrêmement talentueux devoir mettre leur musique entre parenthèses au profit de petits boulots. Moi-même, j’ai beaucoup fait de petits jobs à côté de Konoba et j’arrivais à un point où j’avais peur de ne plus avoir de temps à consacrer à ce projet. Alors, j’ai décidé de rentrer.

Et en Belgique, pour relancer Konoba, vous sortez en 2013 et en 2014, deux mashups qui font le buzz. Un coup de marketing ?
Je n’y avais pas réfléchi en ces termes au moment de les faire mais, a posteriori, oui, ç’a été une réussite sur le plan de la com : pas mal de presse, des portes se sont donc ouvertes. Après, il y a eu un effet pervers à ce succès. Ces mashups , cette façon créative et intéressante de faire parler de Konoba, ont failli nous ranger dans la catégorie des youtubeurs : « Le gars qui fait des mashups sympa. » Konoba est passé un peu derrière ce succès médiatique et on a failli l’oublier. J’ai dû être vigilant, notamment auprès des professionnels du milieu. Les gens ont besoin de vous mettre dans des boîtes et, avec les mashups , ils ont pu être induits en erreur.

Et maintenant, où en est Konoba ?
L’album est presque prêt et 2016 va être très chargé. Le mois dernier, on a sorti un EP qui préfigure l’album. On prépare beaucoup de scènes, notamment à l’étranger. L’année passée, on est allé jouer en Angleterre grâce à certains de mes contacts, et maintenant on planifie l’Allemagne, la Suisse ou l’Italie. Ça va bouger.

Racontez-nous les coulisses de la première session Karoo.
C’était très sympa. On s’est donné rendez-vous Chez Herman pour enregistrer quelques morceaux pour Karoo. Jouer dans un bar m’a rappelé mes années à Brighton. On a installé deux micros et les caméras, et je me suis installé au piano. J’ai joué un morceau au piano, il est sur l’EP, il sera sur l’album, et c’est même le prochain single !
Ensuite, Lorent Corbeel m’avait demandé de préparer une reprise d’un morceau. Je joue peu de reprises et je n’en connais pas beaucoup. Alors, j’ai joué l’un des seuls morceaux que je connais : Lover, You Should’ve Come Over de Jeff Buckley (à découvrir ci-dessous). Un morceau que j’adore, un de mes préférés ! Je l’ai écouté des centaines de fois. Il m’a fallu des années pour me sentir prêt à le jouer sur scène.
Et le dernier morceau, c’était un pur hasard. On replaçait les micros et en attendant, pour faire patienter les gens, je me suis rappelé une chanson que je jouais à Brighton, dans les bars justement. Guitare, voix, simplement, quelque chose de plus folk que ce que je fais d’habitude.
D’ailleurs, je pense depuis quelque temps à mettre cette chanson en bonus track sur l’album, enregistrée live, pour terminer avec quelque chose de très doux. Et après les trois morceaux prévus, j’ai même fait une ou deux chansons en extra parce que le petit public qui était sur place en redemandait. Vraiment chouette comme ambiance.

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