Florence Mendez s'est d'abord fait connaître grâce à son one-woman show Délicate, où elle aborde, entre autres, le sujet de l'autisme sans déficience qui la touche personnellement. Sa carrière l'a également amenée à se produire sur la scène du Festival de Montreux et à participer en tant que chroniqueuse sur diverses émissions belges et françaises. Avec son premier roman, Accident de personne, Florence Mendez nous donne un nouvel aperçu de son univers créatif à travers le prisme de la fiction.

L’autrice tisse un récit à la fois sombre et singulier, centré sur Daphné, une femme désenchantée par la vie, au bord du gouffre. Confrontée à un avenir qu'elle juge inexistant et accablée par une existence marquée par l'échec professionnel et les déboires amoureux, Daphné envisage le suicide comme ultime échappatoire. Toutefois, l'acte lui-même lui semble insurmontable. C'est dans ce contexte qu'elle croise la route de Martin, un novice en matière de meurtre, qui ne s'en prend qu'à ceux désirant ardemment la mort. Une entente macabre est rapidement conclue entre eux. Mais quand Martin élimine par erreur une autre femme, Daphné se retrouve face à un dilemme : réévaluer sa volonté de mourir tout en sachant qu'un contrat mortel pèse désormais sur sa tête. Ce roman nous plonge dans une course contre la montre, où chaque personnage est confronté à la fragilité de son désir de vivre.

Ce qui nous frappe en premier dans ce roman, c’est l’histoire qu’il nous propose. En effet, ce récit sort des sentiers battus et se fraye un chemin à la croisée des genres. Mêlant habilement thriller, romance, et humour noir, l'intrigue est soigneusement construite et flirte avec finesse entre réalité et fiction, captivant le lecteur par sa thématique et sa profondeur.

Le début du roman demande à se cramponner, entre un vocabulaire assez riche et la découverte successive des personnages. Mais rien de bien étonnant quand on découvre les protagonistes un à un. Une fois ces éléments posés, ça déroule : On tourne les pages avec un plaisir non dissimulé. La structure narrative, caractérisée par des chapitres courts et des changements de perspective entre les personnages, enrichit le récit et dynamise sa progression.

Pourtant, les sujets abordés au fil des pages sont loin d’être légers : santé mentale, féminisme, masculinité toxique, homosexualité, dépression… L’autrice aborde particulièrement les thèmes du suicide, de la solitude, et de cette sensation d’être différent, de ne pas trouver sa place dans le monde qui nous entoure. Mendez aborde également le thème de la masculinité toxique et des relations hommes/femmes. Martin, en particulier, incarne ces thématiques, façonné par un père machiste et une vision de la sexualité étriquée, tirée du porno mainstream. Son approche sur ces questions, empreinte de sensibilité et de nuance, invite à la réflexion.

Malgré ces sujets sombres et complexes, Florence Mendez démontre une remarquable habileté à naviguer entre humour et gravité, grâce à un style d'écriture précis et juste. Ce qu’on apprécie, c’est que ce ton, qualifié de parfois piquant, n'est jamais gratuit mais toujours au service d'une analyse plus large. C’est d’ailleurs ce qui rend la lecture à la fois facile et touchante, malgré la complexité des thèmes abordés.

La profondeur du roman réside également dans la richesse psychologique de ses personnages. Au-delà des figures centrales de Daphné et Martin, Mendez déploie un éventail de portraits détaillés et nuancés, depuis une psychiatre aux prises avec sa déchéance professionnelle jusqu'à des policiers embourbés dans leurs frustrations. L'analyse minutieuse de ces psychologies enrichit le récit, transformant la lecture en une exploration empathique de l'âme humaine.

Enfin, l'autrice s’adresse directement au lecteur grâce à l’utilisation de l’oralité. Ceci renforce alors ce lien empathique avec les personnages, tissant un dialogue intime avec le lecteur qui amplifie l'impact émotionnel du roman. Ce choix stylistique, loin d'être un simple artifice, s'intègre à la trame narrative, invitant à une immersion totale. 

À l’issue du roman, c’est l’espoir qui persiste. En effet, malgré les sujets rudes et difficiles, ce que l’on retient de ce récit est résolument lumineux, on voit les protagonistes trouver une porte de sortie.

Florence Mendez nous invite dans un univers où l'intelligence se marie à l'humour, où la bienveillance côtoie la révolte. Cette histoire nous transporte et laisse en nous un écho durable, résonnant avec le sage conseil donné en ouverture : « Mourez le mieux et le plus tard possible. Parce que, malgré ses caprices et ses désillusions, la vie est incroyablement belle. »