critique &
création culturelle
200 meters d’Ameen Nayfeh
un mur invisible

Première réalisation d’Ameen Nayfeh, 200 Meters est un long métrage au croisement du documentaire et de la fiction. Le réalisateur palestinien présente celui-ci à la 20 e édition du Cinémamed, le Festival du cinéma méditerranéen du Bruxelles.

200 Meters est classé dans la catégorie « ces liens qui nous unissent » du festival du Cinémamed. Ameen Nayfeh réalise un long-métrage traitant d’un sujet politique mais aussi du quotidien pour lui en tant que citoyen palestinien. C’est une œuvre touchante qui montre la réalité de nombreuses personnes. Dans une interview pour le Giornate degli Autori , il explique pourquoi avoir réalisé une fiction mais également tous les enjeux du tournage.

« Je voulais faire un film qui reflète la situation politique, mais qui soit aussi divertissant », déclare le réalisateur. Pour toucher un public international, Ameen Nayfehsi ne s’éloigne pas du vrai, mais il le met en scène. Des acteurs jouent mais les histoires sont celles d’Ameen, de ses amis, de sa famille. Pour être le plus authentique, le réalisateur a choisi comme lieu de tournage les véritables « checkpoint » d’entrée vers Israël et les routes de Palestine. La priorité était donc que l’équipe soit en sécurité et ne fasse pas face aux militaires israéliens. Heureusement, les 22 jours de tournages se sont déroulés sans complications.

200 mètres et un mur, c’est ce qui sépare Mustafa de sa famille. Il est érigé depuis 2002 suite à l'attentat du 1er juin 2001 au Dolphinarium de Tel Aviv. Durant la seconde intifada, de nombreux attentats ont lieu causant la mort de plus de 800 Israéliens. Le gouvernement prend donc la décision de construire la barrière de séparation israélienne, pour protéger ses citoyens. Pour traverser ce mur et rejoindre sa femme, son fils et ses deux filles, Mustafa doit posséder une carte d’identité israélienne ou un permis de travail.

La pièce de résistance du film est le trajet de Mustafa vers Israël pour rejoindre sa femme au chevet de son fils, à l’hôpital. Là où 200 mètres séparent les deux maisons de la famille, les heures de route et les kilomètres parcourus pour les retrouver paraissent surréalistes. Si l’ambiance est à la discussion, à l’échange et aux chants, le voyage est long, intense et semé d’embûches. Tout doit s’organiser pour que les passagers, qui ont payé cher la place dans le van, arrivent à bon port. La bonne personne, sur la bonne bande du checkpoint, à la bonne heure. Et si l’un foire, tout foire.

À l’histoire de Mustafa, vient se mêler celle de Anne, réalisatrice allemande venue filmer un trajet depuis la Palestine vers Israël. À son arrivée, la méfiance se mêle au soulagement puis à la confusion lorsque la jeune femme venue tout droit de Berlin se met à parler hébreu pour passer le contrôle. Ameen Nayfeh expose alors aux yeux de tous un mur invisible, un mur qui sépare les Palestiniens et les Israéliens. Même si Anne, grâce à ses origines, leur a fait passer le mur lui bien visible, un malaise persiste jusqu’au conflit.

200 meters est un long métrage poignant. Là où la vie quotidienne de certains se mêle au voyage extraordinaire d’autres. Une situation politique montrée avec la simplicité de faits et de relations. Si Ameen Nayfeh espère que son film sera vu par la population israélienne, il aura été vu et aura touché plus d’un Bruxellois.

Même rédacteur·ice :

200 Meters

Réalisé et écrit par Ameen Nayfeh

Avec Ali Suliman, Anna Unterberger, Motaz Malhees…

Odeh Films, Memo Films, Film i Skåne

Palestine, 2020

97 minutes