Comment parler d’un livre qui est, à nos yeux, un échec ? Comment parler de ce même livre quand c’est, en plus, un premier roman ? Certains y trouveraient l’occasion de s’amuser, comme un chat avec une souris blessée, pour la beauté de la destruction. Or, je n’ai pas le goût du sang. D’autres répondraient que la critique n’a de sens que si elle peut mettre en lumière les qualités et l’intérêt d’un ouvrage. Il me semble pourtant que se taire n’est pas faire honneur à l’auteur d’un mauvais livre – comment celui-ci pourrait-il évoluer, s’améliorer ? Le métier d’écrivain, quoiqu’on l’imagine parfois ainsi, n’a rien d’inné ; c’est un travail, je dirais, artisanal. Il doit s’apprendre, se perfectionner, s’armer. Et le critique, parlant autant à l’auteur qu’aux potentiels lecteurs, peut l’aider à mettre le doigt sur des difficultés ou des problèmes.

Notre première expérience avec Anna, ici et là de Luc Dupont, est celle d’une suite de promesses non tenues : « Peu à peu, un drame se noue, dans une atmosphère crépusculaire qui évoque celle des meilleurs policiers scandinaves. Servi par un style admirable et une grande maîtrise de la narration… » dit la quatrième de couverture. Tout cela est faux. On ne répétera jamais assez aux éditeurs que survendre un ouvrage, c’est risquer d’augmenter la déception du lecteur par effet boomerang.