critique &
création culturelle
Disparue
La poésie comme parole d’un fait divers

S’inspirant de la disparition d’une adolescente en Amérique, Catherine Barsics nous livre un recueil dans lequel les poèmes sont des empreintes qui témoignent du retentissement de l’absence.

Mêlant les codes du suspens d’un thriller et l’hermétisme propre à la poésie, Disparue traite de l’enquête d’une jeune fille portée disparue. À l’origine, Catherine Barsics s’inspire du fait divers relatant la disparition de Suzanne Gloria Lyall dans l’état de New York à l’âge de 19 ans. Cependant le recueil ne l’explicite pas clairement : il est plutôt construit comme le témoignage indéterminé d’une atmosphère plutôt que le suivi d’une enquête aux détails près. Avec Disparue , la rencontre entre le polar et la poésie donne une nouvelle voie d’expression aux enquêtes littéraires.

De petites mains : des menottes.

Le recueil est construit selon un ensemble organisé qui emmène le lecteur de poèmes qui dépeignent les lieux et la vie de la portée disparue à des poèmes sur l’enquête à proprement parlé où sont relatés indices et recherches. Cette structure linéaire permet au récit d’être traversé par un suspens et une tension progressifs. D’autres sujets plus réflexifs sont également abordés, tels que l’enfance et la fugacité de la vie ou encore la finitude de la condition humaine. Au-delà du sujet premier qu’est l’enquête, Disparue traite également de thèmes plus métaphysiques.

Tu es de cette petite ville.

Toutes les villes sont petites ;

même au sein des immenses concrétions urbaines,

on ne vit jamais que dans un encart que l’on se fabrique :

des lieux d’élection

un flacon, une île

Ainsi, toutes les villes sont petites

les vies, étriquées

On les place dans des éprouvettes

avec les têtards,

avec toutes les épreuves,

les courses d’étapes,

avec d’autres vies creusées de lézardes,

des espoirs escarpés,

et toujours

quelque chose

qui penche.

Une absence résonne dans tout le recueil et apporte une nostalgie. L’une des forces du recueil est de faire ressentir cette sensation sans jamais la décrire explicitement. Le fait que les poèmes sont adressés à la victime rend également le recueil particulièrement touchant. En revanche, les vers de Catherine Barsics sont épurés et vont parfois un peu trop à l’essentiel, ce qui rend l’interprétation de certains poèmes complexe. Tout au long du recueil, ce sont plus des sensations, des images que l’on perçoit que le fil conducteur d’une histoire.

Nous te cherchons partout

mais ce n’est pas toi.

Dans Disparue , la poésie dépeint la tristesse et se mêle aux tourments présents dans les polars. Catherine Barsics rend hommage aux disparitions qui restent sans réponse. Elle parle de la recherche mêlée à l’absence. Elle utilise la poésie pour que, d’une certaine façon, à travers ce fait divers, on se questionne sur la disparition en général, celle d’un être en particulier tout comme celle des êtres voués à la finitude.

Même rédacteur·ice :

Disparue

De Catherine Barsics

L’arbre à paroles

82 pages