Avec Nino dans la nuit , Capucine et Simon Johannin nous embarquent dans les déboires d’une jeunesse urbaine en marge. Un impétueux coup de poing littéraire.
Une voix qui nous prend, qui nous raconte, nous explique la galère. Nino a 20 ans. Il a abandonné ses études et passe de petits boulots en petits trafics pour pouvoir réunir de quoi payer le loyer et ensuite vivre misérablement. Autre composante de sa vie : Lale. Il l’aime, sa vie sans elle partirait en vrille, du moins plus qu’elle ne semble déjà le faire. Car Nino est un être nocturne, il s’abreuve de soirées, et désaltère son esprit dans l’alcool et la drogue.
On fume en silence le gros pétard que je viens de rouler, et puis je te fais du Nino fanfaron parce que la vodka me presse les tempes, et qu’avec tes sourires j’ai le sang qui fait des huit. Je finis dans tes bras et des fois, j’ai peur que tu me quittes.
Munis d’une plume où les marques d’oralité accrochent instantanément le lecteur, les auteurs, Capucine et Simon Johannin, relatent avec poésie et énergie les déboires d’une jeunesse désaxée qui se cherche. Les pages défilent avec dynamisme, le langage vivant parvenant à rapporter de manière percutante les diverses pensées et réflexions de Nino, qui, d’un regard vif, embrasse le monde et y appose son analyse critique. En outre, la manière dont il s’exprime est rarement banale ; le personnage/narrateur joue avec le langage, combine les mots et expressions de façon créative, et fait ainsi naitre en nous de nombreuses images hétéroclites.
Je me prends en pleine tête cent quatre-vingts tartes par minute et je tends les deux joues. Je hurle la langue dehors en remontant la foule, je vois rien d’autre que l’intérieur de mes paupières où je laisse exploser les ombres, et je souris comme un abruti si content d’être vraiment défoncé.
En plus d’un style qui a lui seul mériterait déjà plus qu’un coup d’œil, le roman est doté d’une intrigue simple mais qui nous tacle et nous plonge dans une lecture difficile à interrompre. Les différents personnages rencontrés apparaissent réels au lecteur qui s’y attachera vite, au point de vouloir connaitre leur vie et de les suivre dans leur aléas. Toutefois, le roman n’est jamais trop sombre dans son traitement de la précarité ou encore de la drogue, car une dose d’extravagance et d’espoir est présente. Par là, l’intrigue de Nino dans la nuit fait facilement écho à un film comme le Trainspotting de Dany Boyle. Cette désinvolture qui sait contrecarrer des sujets parfois pesants, mêlée à une voix qui égaille et avive une critique habile de notre société, c’est là la force du roman de Capucine et Simon Johannin.
J’ai marché et encore marché, je suis passé du Paris où il y a la place pour rien à celui où y en a trop pour tout. Des trottoirs trop grands, des immeubles trop larges, des voitures trop grosses. Rien à faire, ça suffit pas pour remplir tout le vide que les riches d’ici installent autour d’eux.