critique &
création culturelle
    La rétrospective 2020
    d’Héloïse Copin

    Les rédacteurs de Karoo jettent un coup d'œil sur leur année culturelle 2020. Livres, films, séries ou musique au temps de la Covid-19...

    On l’aura entendu partout, des journaux aux talk-shows , du souper de famille au shampooing chez le coiffeur : 2020 est vraiment une année bizarre. Une année nulle, une année pourrie, une année triste sous bien des aspects. Pour moi, 2020 a été l’année du mémoire, de la non-proclamation et de l’entame d’un master dans le milieu culturel. « Cultivez-vous ! », qu’ils disaient, en septembre. « Sortez, allez-voir plein d’expos, de concerts, de musées », qu’ils répétaient. Pourtant, pas d’opéras, pas de festivals, pas de fêtes dans les rues. Si j’y réfléchis bien, 2020 a été pour moi une année pleine de défis qui ont nécessité que je m’adapte, que je (me) réinvente, que je vive au jour le jour. Ma motivation m’a joué beaucoup de tours, mais je pense avoir pu tout de même continuer à découvrir et à apprendre grâce à mes initiatives et à celles des autres humains qui peuplent cette planète.

    Des débuts prometteurs

    Janvier et février n’ont pas été spécialement une période propice aux sorties culturelles, surtout à cause des examens et de la reprise des cours. Ceci dit, j’ai pu encore un peu profiter des ateliers gratuits de guitare proposés par UCLouvain Culture et essayer de devenir ma propre rock star1 . J’ai aussi pu assister à des cours de wallon 2 . Puis mars m’a installée confortablement devant mon ordinateur et Netflix, ce qui m’a permis de convertir mes amis et ma famille au culte de Tiger King – à mes yeux encore un des meilleurs documentaires/télé-réalités de cette année. Qui n’a pas hurlé devant le piercing à deux doigts de s’arracher du sourcil de Joe ? Qui n’a pas aimé détester Carol Baskin et ses photos de mariage ? Netflix nous a aussi bouleversés avec la série Unorthodox , pour moi une des meilleures de la plateforme (avec The Crown ). Le livre duquel la série est adaptée est encore plus retournant et glaçant, mais la lutte féministe de Deborah est véritablement galvanisante. Touche d’exotisme, la dernière saison de Outlander m’a permis de voyager dans l’Est américain, sur la version chorale du générique .

    Dernière découverte audiovisuelle en date, le film assez classique et ultra-kitch Ghost . L’histoire d’amour est belle, le jeu est efficace, parfois drôle à ses dépens, et la bande-son est entêtante à souhait (béni soit Maurice Jarre, compositeur de la version orchestrale de Unchained Melody ) .

    Mon mémoire a exigé l’écoute et la retranscription de podcasts en anglais, ce qui m’a encouragée à suivre des créations sonores dans d’autres langues, comme Elke dag vakantie , où un couple d’Ostendais discute entre autres de leur rapport au travail. Il m’est aussi arrivé de faire du ménage en écoutant Mythes et Légendes de Quelle Histoire, un podcast orienté jeune public mais qui offre une belle entrée en matière dans les mythologies du monde entier, ou bien les Contes des soirs perdus . Je me suis également mise aux livres audio, en commençant par Les Nymphéas noirs de Michel Bussi lu par Colette Sodoyez, une comédienne belge pleine de talent. Arrêter d’écouter l’histoire équivalait à tenter de sortir de son lit par une matinée glaciale : impossible.

    Du tourisme malgré tout

    En été, j’ai pu partir en Italie à la découverte des Dolomites, dans le petit village de Casso. Avant 1960, plusieurs centaines de personnes vivaient dans ses très hautes maisons de pierre, surplombant un barrage alors récemment construit. Notre hôte, Marcello, nous a raconté qu’un soir, à cause de problèmes d’infiltration, un flanc de la montagne s’est effondré dans le lac artificiel, créant une vague de 200 mètres de haut qui a ravagé une partie de Casso et a englouti la ville de Longarone. Suite à ce drame, le village de Casso s’est peu à peu vidé de ses habitants. En réaction, Marcello a écrit un petit dictionnaire pour sauver le dialecte local. Quand je parlais d’initiatives en période de tempête…

    Pour nous remettre de nos émotions, nous sommes partis une journée à la découverte d’une Venise allégée des hordes de touristes internationaux qui l’envahissent chaque année. La place San Marco presque déserte, les canaux tranquilles… L’occasion également de visiter l’opéra de La Fenice sans se presser, d’observer une répétition de l’orchestre depuis le balcon et d’admirer une exposition sur Maria Callas. Ma mère m’a ensuite fait lire des romans de Donna Leon, qui racontent les enquêtes du commissaire Brunetti dans la cité des Doges. L’auteure américaine décrit tellement bien la ville qu’il suffirait de fermer les yeux pour se voir traverser le Grand Canal en vaporetto aux côtés du policier.

    Un automne en demi-teinte

    La rentrée avait des airs d’espoir : certains concerts ou évènements ayant été reportés, j’ai notamment pu assister à un concert de musique iranienne de l’ensemble Ham Nava avec Karim Baggili à la Ferme du Biéreau et ainsi pu étrenner une nouvelle robe – c’est aussi ça, le plaisir de sortir .

    D’autres artistes ont continué à créer malgré les circonstances, comme Miley Cyrus qui a sorti son nouvel album Plastic Hearts fin novembre. Une énorme claque : plus rock, moins trash, Plastic Hearts est son opus le plus abouti, avec des chansons originales et quelques reprises. J’ai particulièrement apprécié l’ambiance 80’s (« Never be me ») et les solos de guitare ( « WTF do I know » ).

    Maintenant que j’ai passé en revue mes « activités » culturelles de 2020, je me rends compte qu’il n’a finalement pas fallu chercher bien loin pour satisfaire mon envie de découvrir de nouvelles créations et mon besoin de réfléchir sur le sens de mes pratiques culturelles. J’ai pu retrouver le plaisir de lire un roman sans devoir me dépêcher d’écrire un travail dessus, écouter de la musique pendant mes promenades en quête d’air frais, me laisser bercer par des histoires audio en faisant du crochet ou de la couture… 2020 était peut-être un retour aux sources, finalement : arrêter de courir, vivre au jour le jour, autant de choses qu’il m’a fallu réapprivoiser, tout en restant curieuse. C’est ce que je vous souhaite aussi pour 2021.

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