critique &
création culturelle

Un sac de Frappe

nommé l’Amour

Je suis un poids plume , c’est l’histoire d’une jeune femme confrontée à la violence de la rupture, trahie  le discours amoureux. Stéphanie Blanchoud s’y relève du KO pour signer un texte et une interprétation bouleversante.

Je me souviens de ces petits sandwichs en triangle grignotés le long d’une route sans trottoir, je me souviens de l’odeur de sa main sur le drap blanc encore légèrement humide et froid. Je dormais sur sa clavicule morte, je lui apprenais à marcher à côté de la lumière, à parler indistinctement de nos incertitudes dans la nuit mensongère. Je me souviens d’avoir pris un panier, quelques cuillères et chaussettes, certains meubles qu’on n’arrivait pas à couper en deux. C’était la rupture, un carrefour d’existence à qui l’existence tournait le dos. C’était le 26 avril 2012 et je claquais la porte pour la dernière fois. Lorsqu’il y a rupture entre deux êtres, qui se sépare réellement de qui ? Qui souffre le plus ?

Photo de Johannes Vandevoorde

« Au début tu crois que tu n’y arriveras jamais et puis tu entends la musique de Rocky et alors tu t’accroches. » Je suis un poids plume raconte l’histoire d’une jeune femme interprétée par Stéphanie Blanchoud qui, après une rupture amoureuse, se retrouve confrontée à la violence morale de la rupture, d’être remplacée, trahie par l’autre et par le discours amoureux.

Le sac de frappe, c’est l’amour, celui sur lequel Stéphanie Blanchoud cogne, pleure et saigne. Encore, round après round, afin d’éviter son uppercut. Car il faut bien penser la rupture par des coups pour sortir du gouffre, de la haine de soi et de l’autre. Dans ce spectacle corporel, l’actrice de la série Ennemi public boxe avec son affect et son histoire personnelle qu’elle nous livre par fragments. C’est la chronique d’une reconstruction douloureuse mais salvatrice avec la boxe comme seul exutoire. Au profil soutenu des choses, le jour recommence sans appui. Les souvenirs reviennent et il faut lutter encore. Une paire de gants rouges est suspendue au-dessus du plateau. Le sol noir est soigneusement habité par des bandes arrachées successivement par l’actrice, rappelant la violence de vider un appartement lorsque le couple se déchire. La scène, aménagée comme un ring, renforce l’isolement de la comédienne. L’écriture est directe comme un jab dans la gueule, les mots s’enchaînent, violents, froids, mais il faut tenir sa garde, toujours plus haute lorsqu’on apprend notre remplacement après le départ. La comédienne se jette au sol, commence des séries de crunchs, se relève, retourne au sol, elle avance et recule, cogne et oscille. La pièce est donc envisagée comme un combat non pas pour mettre l’amour KO, mais pour se relever doucement sous la musique de Rocky , interrompue par la mélancolie du violoncelle, les silences, et le grand saut, celui des mots intenses et secs.

Le phrasé, le corps sportif, accompagnent le jeu juste de la comédienne, un jeu faible et meurtri au début de la pièce qui se relève peu à peu, épousant la mise en scène de la rupture. La figure de l’être aimé est, quant à elle, absente. La figure de l’autre est incarnée par le coach, Ben, qui entraîne Stéphanie dans une chorégraphie bouleversante. Une pièce qui rompt le souffle en traitant de la reconstruction du moi à travers la boxe et le voyage.

Même rédacteur·ice :

Je suis un poids plume

de Stéphanie Blanchoud

Mise en scène : Daphné D’Heur
Avec Stéphanie Blanchoud et la participation de Ben Messaoud Hassen
Scénographie : Maud Grommen
Lumières : Benoît Théron
Son : Pierre Slinckx
Direction technique : Pierre Hendrickx
Coach : Ben Messaoud Hassen

Retrouvez le spectacle le 21 et 22 février au théatre Marni