Avec Les Naufragés , adaptation du roman de Patrick Declerck, Emmanuel Meirieu nous embarque dans le témoignage poignant d’un homme qui a côtoyé la misère.
Sur scène, côté jardin, l’épave immense d’un bateau, la coque trouées par endroits, des vagues de lumières réfléchissant ses entrailles. Côté cour ensuite, un homme urine sur le sable, avant de nous faire face, saisissant le micro installé devant la première rangée. L’ambiance, aussi simplement, est installée. Mais rien ne prépare à la force des mots, à la voix de l’acteur, François Cottrelle, qui incarne Patrick Declerck et relate son expérience avec les indigents.
Patrick Declerck, anthropologue, psychanalyste, philosophe et romancier, a côtoyé les clochards de la capitale française pendant une quinzaine d’année. C’est le récit de ses rencontres, de cette incursion dans la misère, que la pièce nous propose de découvrir. Le texte nous amène à Nanterre, au centre d’accueil et de soins hospitaliers. En plus de dresser le portrait d’un monde de crasse, de maladie et d’alcool, on découvre les coulisses de l’aide offerte aux sdf, qui chaque jour sont ramassés en bus et conduit en centre à Nanterre pour être hébergé le temps d’une nuit.
On s’attarde en particulier sur Raymond, un des patients avec qui Patrick s’est lié d’amitié. Le psychanalyste apprend un jour qu’on a retrouvé son corps un soir de septembre, à deux pas du centre. Comme on ne donne de l’aide que de novembre à mars, après les chaleurs de l’été, les premiers froids ont tué le clochard. Mort d’hypothermie, la dépouille de l’homme a disparu. Patrick va dès lors tenter de savoir où Raymond a pu finir.
Le metteur en scène, Emmanuel Meirieu, offre ici une adaptation poignante du roman de Patrick Declerck, Les Naufragés ‒ avec les clochards de Paris . La pièce parvient à bouleverser sans chercher à créer l’émotion au travers d’artifices excessifs ou d’éclats violents de tristesse. Le jeu sobre de l’acteur, empreint d’amertume, sensibilité et révolte parfaitement distillées, permet au texte de sonner vrai et de saisir le spectateur. Ainsi présentées, l’impuissance ou l’indifférence de notre société, voire de nous-mêmes, nous glace le sang.