critique &
création culturelle
Turbulences

Du 20 au 29 novembre, le festival international Jeune Public Turbulences battait son plein au théâtre de Namur. Voici un bref compte rendu sur trois des pièces qu’il proposait : Wild, La Chambre rouge et L’Ogrelet .

Wild

Un spectacle sur les genres par l’asbl Fast. L’originalité de Wild , c’est que les comédiens envahissent le lieu. Ici pas de rideau, pas de tréteau, tout est scène : l’école, la classe, les couloirs du théâtre, le parvis, etc.

Qui sont-elles ? D’où viennent-t-ils ? Qui parle ? Qui est ce « je » qui s’adresse à nous ? Homme ? Femme ? Homme et femme tout à la fois ? Qu’est-ce qu’être une fille ? Qu’est-ce que ne pas être lorsqu’on a un pénis ? Que sont ces corps dans nos sociétés ? Le texte nous entraîne vers un éveil au sexuel. Pas au sexe, ni à la sexualité, mais bien au sexuel, cette pulsion à laquelle les auteurs (ils sont trois : Mylène Lauzon, Sarah Vanhee et Antoine Pickels), donnent toute la force symbolique. Ni discours éculé, ni mise en garde, mais un abord simple et une approche qui interroge. Qui est-on ? Pourquoi est-on ? Pourquoi cette différence fait-elle la différence ? Une frontière entre deux territoires inconnus, ou méconnus et cependant reconnus. La représentation se poursuit par un débat, ou plutôt une causerie. Une conversation, sans autre but que celui d’évoquer. C’est déjà pas mal, croyez-moi…

Wild
Fast ASBL
Mise en scène par Anne Thuot
Textes de Mylène Lauzon, Antoine Pickels et Sarah Vanhee
Avec Adrien Drumel, Eno Krojanker et Salomé Richard
Vue au Théâtre de Namur .

La Chambre rouge

Encore un spectacle pour les ados, présenté par une troupe française. La Compagnie Esquimots aime les saveurs fortes qui soulèvent le cœur. Pas étonnant que cela monte au nez, puisque la troupe nous vient de Dijon. Le spectacle a bien mûri depuis notre dernière entrevue, voici deux ans, lors du Festival « À pas contés ». Les séances d’improvisation et de réécriture ont eu raison des difficultés rencontrées pour porter sur les planches les maux de Robert Musil. En effet, le spectacle La Chambre rouge , qui traite du délicat sujet du harcèlement scolaire, est inspiré du livre Les Désarrois de l’élève Törless . Les thèmes principaux sont la violence et son engrenage, voire la spirale qui en découle et les effets dévastateurs qu’un petit acte qui semble sans conséquence va déclencher. Sujet qui touche particulièrement les jeunes, toute origine et toute classe sociale confondue.

Et c’est justement dans un collège relativement huppé que l’histoire, ou l’anecdote, se joue. Après plusieurs années, la vie a fait son chemin, et des camarades d’autrefois se retrouvent. Leur adolescence est bien lointaine, mais les effets se font encore sentir. Le spectacle nous raconte cette période, les liens que les quatre collégiens entretenaient entre eux. Contre toute apparence, c’est la victime de jadis qui mène la danse et dévoile le film de leur commune histoire. Une chronique presque judiciaire dans laquelle l’impensable est dévoilé petit à petit, morceaux par morceaux. Et les adultes d’aujourd’hui, pris dans un vertige, sombrent à nouveau au centre de ces espaces flous, ceux confus de leurs escapades nocturnes, mi vengeresses, mi sadiques. Les propos sont de tout temps, mais la représentation est moderne et plaît aux teenagers d’aujourd’hui. L’engrenage de la violence s’enclenche sous nos yeux, sans que nous puissions intervenir.

Aux abords du spectacle, la compagnie propose une animation sous forme d’expérience. Sommes-nous curieux ? Jusqu’à quel point ? Quels rapports entretenons-nous avec notre propre curiosité…Une animation à la fois plastique et littéraire. Une installation dans laquelle les spectateurs sont invités à entrer, pour découvrir l’intimité des personnages, compagnons de l’élève Törless.

La Chambre rouge
D’après Les Désarrois de l’élève Törless de Robert Musil
Compagnie Esquimots
Adaptée et mise en scène par Marion Chobert
Avec Benoit Antonin Denis, Jean-René Oudot, Mathias Robinet-Sapin et Mathias Zakhar
Vue au Théâtre de Namur .

L’Ogrelet

La Compagnie de La Berlue, qui nous avait déjà proposé l’excellentissime Le Grand Rond , s’appuie sur un texte de la québécoise Suzanne Lebeau. Mais qu’est-ce donc qu’un ogrelet ? Ne cherchez pas loin dans l’étymologie, il s’agit simplement du petit d’un ogre. Il vit seul avec sa maman, au fond de la forêt. Isolé du monde et nourri de fruits et de légumes, de pain et de lait, enfin d’une nourriture exempte de tout ce qui s’approche plus ou moins de la viande, des aliments débarrassés de tout ce qui pourrait donner l’envie de goûter le sang…et donc de dévorer les petits enfants. Mais l’ogrelet n’est qu’un enfant, petit de six ans, mais grand, très grand, pour son âge…Juste héritage d’un papa ogre.

Le spectacle, admirablement interprété par Violette Léonart et François Gillerot. L’écriture est pleine de suspenses et construite par une spécialiste du théâtre jeune public. Un texte qui fait partie du répertoire du genre. Eh oui, même le théâtre pour l’enfance et la jeunesse possède son propre répertoire, bien que la création collective y soit fortement présente. Une soirée et une conférence était consacré à l’auteur Suzanne Lebeau qui avait fait le voyage pour le bonheur de nouvelles rencontres.

L’Ogrelet
Ecrite par Suzanne Lebeau
Mise en scène par Paul Decleire
Avec François Gillerot et Violette Léonard
Vue au Théâtre de Namur .