Avec Looking for my Japanese Family , la Liégeoise Julie-Marie Duro, déjà interviewée pour Karoo par Simon Fontaine en 2017 , continue sa thèse en Arts et Sciences autour de la mémoire familiale. Elle publie une exploration photographique en terres nippones en quête d’un oncle mystérieux.
L’étincelle est une photographie d’archives dont les couleurs ont viré. Viennent ensuite le labyrinthe administratif et la dernière chance lorsque l’on s’en remet aux étoiles. Entre le journal de voyage coloré et la compilation frénétique de paysages en noir et blanc, Julie-Marie Duro livre le témoignage sensible de trois années d’enquête généalogique.
L’ouvrage est épais, avec une reliure suisse cousue à la copte. Tout comme la recherche de l’identité de cet oncle, le sujet des images est obsessionnel : des quartiers résidentiels japonais et des boîtes aux lettres par centaines. La récurrence de quelques bicyclettes rythme ces paysages désertés. Les portes sont closes comme les espoirs déçus. Le piétinement de l’artiste est palpable. La solitude de ses errances également. La photographe distille les indices avec parcimonie. Et le lecteur trépigne.
Des documents en couleurs, une radio dentaire et des coupures de journaux, ponctués de kanjis et autres hiraganas, fragmentent le récit dont la reliure cuivrée se fait fil d’Ariane.
Le passage du noir et blanc à la couleur signe le retour à la réalité de l’artiste. Des silhouettes apparaissent alors : la présence humaine devient une respiration parmi ces scènes dépeuplées, les arbres élagués évoquent les cicatrices familiales encore à vif.
Pour mieux documenter son cheminement, la photographe prend le parti d’inclure les images et légendes publiées sur ses réseaux sociaux lors de ses recherches. À coup de hashtags, elle assume sans complexe son statut de touriste au risque de glisser dans l’anecdotique. Et malheureusement, Duro persiste et signe avec une collection de photos de quais de gare. La volonté de composer un ouvrage exhaustif, thèse oblige, encombre le propos de contenus accessoires, peut-être révélateurs d’un défaut d’ editing .
Les images en noir et blanc sont très contrastées et les noirs bouchés, comme un hommage aux célèbres photographes nippons Araki ou Moriyama. La proposition aurait pu être encore plus japonisante avec du papier plus fin, translucide, fragile…
Même si l’accumulation d’images de façades peut être rébarbative pour les puristes à la recherche de belles images photographiques, Julie-Marie Duro réussit à susciter l’engagement du lecteur de la première à la dernière page en titillant l’esprit d’analyse de celui-ci. Looking for my Japanese Family est un livre que l’on ne repose pas pour y revenir plus tard. L’histoire se lit d’une traite tant l’objet lui-même et l’articulation des clichés et des documents emportent le lecteur, lui laissant la liberté de se l’approprier.
Après avoir dévoré Heimat , le roman graphique de Nora Krug, je me suis délectée des silences et des non-dits du livre de Julie-Marie Duro. La recherche des origines est décidément un sujet qui n’a pas fini de m’interpeller. Lorsqu’il est exploré avec autant de talent, il ne peut que nous renvoyer à nos propres mystères familiaux.