critique &
création culturelle
Le classicisme made in Marvel

Depuis quelques années, pour l’amateur de personnages extraordinaires en collants lycra, c’est un peu Noël tous les quatre mois. Cette fois-ci, c’est au tour de Guardians of the Galaxy de monter dans l’arène. Retour sur un film qui a d’ores et déjà instauré un nouveau record au box office en devenant la production cinématographique la plus rentable durant un mois d’août.

Dans le discours sur le cinéma, une pratique ultra-courante consiste à répartir les films en deux catégories : ou bien c’est un blockbuster, et donc une daube ; ou bien c’est un film qualifié d’ auteur et donc un somnifère. Si l’on suit ce raisonnement atrocement réducteur, on se retrouve devant un problème de taille avec toute la production Marvel actuelle qui a réussi le pari fou de nous offrir des films remplis d’action et d’humour tout en laissant une liberté d’expression au réalisateur. On citera par exemple Avengers qui n’aurait jamais été aussi bon sans la maîtrise de Joss Whedon et ne parlons pas de la signature de Shane Black sur Iron Man 3 . Et ça marche, la plupart des acteurs qui crachaient sur le genre se bousculent maintenant au portillon pour intégrer le cercle des comédiens costumés (les derniers en date étant Josh Brolin et Al Pacino, oui, rien que ça). Alors quand la critique encense démesurément Guardians of the Galaxy et que même Robert Downey Jr. (Tony Stark/Monsieur Iron Man) y va de son gentil mot en clamant que le film est la meilleure réalisation Marvel de tous les temps, il y a de quoi se lécher les babines.

Et pour cause. Guardians of the Galaxy constitue l’essence même d’un film de super-héros. Voyez plutôt : le scénario, bien qu’il tienne sur un timbre (et encore, c’est grand un timbre), est plutôt efficace et bourré de références qui satisferont le fan. L’ultra-fan, lui, pourra se délecter de voir que la métahistoire (celle qui concerne l’ensemble des productions Marvel) progresse d’un grand pas. Le moins fan, lui, trouvera que les personnages de Rocket Racoon (doublé par un Bradley Cooper en grande forme) et de l’arbre-mutant nommé Groot sont à mourir de rire. Il sera donc déjà fort content. Le fan qui pense que c’était mieux avant trouvera rigolo qu’un film de ce type ose surfer sur tous les poncifs du genre pour mieux s’en moquer après. Enfin, le profane trouvera que la recréation de l’ambiance années 1980 dans laquelle baigne tout le film est une franche réussite. Et tous ces gens profiteront d’un long métrage dont le capital sympathie n’est plus à démontrer. En soi, ça n’est déjà pas mal, c’est une réalisation efficace et fédératrice, c’est rigolo, c’est bien ficelé . Bref, on peut effectivement dire que Guardians of the Galaxy est sûrement le meilleur film qu’à fait Marv…

Non, on ne peut pas. Car derrière toutes ces qualités se cache un film d’un classicisme et d’une pauvreté lamentable qui font de Guardians of the Galaxy l’archétype le plus banal du film de super-héros. Prenons par exemple les personnages : on a le héros grande gueule, casse-cou, qui blague beaucoup, agit peu et sauve le monde ; sa pseudo-compagne dont le rôle se limite à mettre le héros en avant ; et enfin, les trois personnages secondaires qui sont là pour faire le travail et faire rire le spectateur. Ce typage peut sembler familier, et pour cause : on la retrouve dans X-Men ou dans les Quatre Fantastiques . Le problème est qu’ici, tout ça est tellement transparent que ça en devient prévisible et ennuyeux. On passera aussi très rapidement sur le méchant qui, comme la majorité des Némésis mis en avant dans les quelques dernières productions Marvel, aurait mieux fait de passer au magasin de charisme avant de se produire devant la caméra.

Enfin, revenons sur les (rares) scènes d’action du film. Celles-ci sont en général plutôt réussies et simples, ce qui n’est pas déplaisant. Pourtant, elles soulèvent un problème de taille pour le futur qu’on avait déjà pu entrevoir dans Thor II . Ce problème est l’utilisation de la 3D de plus en plus présente alors qu’elle est de moins en moins appréciée . Résultat, certaines scènes de Guardians of the Galaxy donnent presque la nausée tant elles vont vite et ont été créées pour une diffusion en trois dimensions. Or, quand on regarde les chiffres, l’écrasante majorité des spectateurs auront préféré l’écran plat aux lunettes qui donnent mal au crâne. De plus, toutes ces scènes survoltées sont en totale opposition avec un film qui se veut plutôt calme, et qui est d’ailleurs bien meilleur quand il l’est. Bref, ce petit fléau est en bonne voie de gâcher de plus en plus de films chaque année et ce n’est pas le constat le plus plaisant.

Il est finalement très difficile d’adorer comme de détester Guardians of the Galaxy tant le film nous fait passer d’un extrême à l’autre. On finira donc par le classer dans la boîte des Marvel moyens mais fort plaisants, un peu par dépit. Et en ouvrant cette boîte, on verra qu’elle se remplit de plus en plus vite, surtout de productions récentes. Et mine de rien, ça fait peur quand on sait que le prochain film sur la liste est Avengers 2 .

https://www.youtube.com/watch?v=H6tq-Oh2XGY

Même rédacteur·ice :

Guardians of the Galaxy

Réalisé par James Gunn
Avec Chris Pratt, Zoe Saldana, Dave Bautista, Vin Diesel, Bradley Cooper, Lee Pace, Michael Rooker, Karen Gillan, Djimon Hounsou, John C. Reilly, Glenn Close, Benicio del Toro
États-Unis , 2014, 122 minutes