critique &
création culturelle

Nous, les Leroy

Aime-moi encore

Nous, les Leroy, le premier long-métrage de Florent Bernard, raconte avec légèreté les épreuves d’une famille bourguignonne. En plus de rire beaucoup, on se reconnaît tous et toutes dans cette belle histoire de désamour.

Sandrine n’aime plus Christophe. Pour « sauver sa famille », ce père impulsif et maladroit (José Garcia) improvise un road trip avec sa femme (Charlotte Gainsbourg) et leurs deux adolescents, à la poursuite des souvenirs de leur relation. L’une a peur de perdre ses enfants, l’autre s'époumone à vouloir raviver une flamme qui s’éteint et, entre les deux, Loreleï et Bastien se retrouvent à arbitrer leurs parents : un sujet émouvant pour une comédie subtile et amusante.

Nous, les Leroy est le premier film écrit et réalisé par Florent Bernard (FloBer). Cet ancien membre de la chaîne Youtube humoristique « Golden Moustache » a participé à l’écriture des séries La Flamme et Le Flambeau, et du film Vermines en course pour deux Césars en 2024. Mais reconnaîtront surtout son humour les auditeurs du « Floodcast », le podcast qu’il anime depuis 2015 aux côtés du comédien Adrien Ménielle, que l’on retrouve ici dans la peau d’un serveur hilarant. De la même manière, Florent Bernard dirige sa caméra vers Baptiste Lecaplain, Jérôme Niel, Justine Le Pottier… et tant d’autres visages associés à Internet et aux plateaux de Stand-Up, qui croisent la route de la famille Leroy. Ainsi, certains gags proposent un humour généreux qui ne provient clairement pas du cinéma, en osant aborder des sujets délicats, tels que le burn-out, la puberté ou le divorce, sans jamais tomber dans l’obscène.

Une comédie française sur la famille ? Avec José Garcia ? Vous devez vous dire que cela sent le réchauffé. Hé bien détrompez-vous. Le réalisateur de 32 ans nous présente une histoire d’amour de cinquantenaires à travers des yeux d’adolescents. Une adolescence enfin racontée sans les clichés ringards de l’insolence et de la flemme, mais par un amour de jeunesse crédible et par l’affection touchante d’un frère et d’une sœur. Pour une fois, les « jeunes » ne sont pas opposés aux « vieux ». Au contraire, les deux générations découvrent qu’elles font face aux mêmes problèmes, au point de se conseiller, voire de s’échanger les rôles. Rien que pour cela, bravo. 

C’est vrai, il y a des paysages plus envoûtants que le béton de Dijon et d’Autun en Bourgogne pour tourner un road movie. Cependant, Florent Bernard tenait à filmer ce type de région : « C’est la France des zones commerçantes, un peu la France que rappe Orelsan, c’est “on se fait chier le weekend et on traine au centre commercial”. [...] Ce sont des décors que je trouve cinématographiques, des décors qui n’ont pas de hauteur. D’ailleurs on a tourné dans les endroits où j’ai grandi, c’était aussi ça la volonté du road trip1 ». Du sud de la France au nord de la Belgique, on s’identifie naturellement à cette petite famille qui avance sur une banale autoroute de campagne pour s’arrêter dans un simple hôtel en chemin.

Jamais déprimant, le sujet difficile de la séparation est amené par quelques très belles scènes de nostalgie, comme une discussion nocturne joliment éclairée à la guirlande entre le père et ses enfants. Le montage dynamique de la comédie est ponctué par des cadrages plus travaillés et plus lents, marquant le passage du rire à l’émotion. Et cela fonctionne. D’un côté, on verse une petite larme face aux dialogues de sourds et aux disputes, de l’autre, on est touché par les relations qui se renforcent et les regards qui se comprennent peu à peu. 

Au cinéma le 10 avril, Nous, les Leroy est un « conte de fées divorcées » qui donne envie d’accepter les séparations nécessaires comme les ravivements du cœur. Avec ce premier film, Florent Bernard représente une jeunesse qui rit et raconte autrement, dont on peut se réjouir de l’arrivée au grand écran.

Nous, les Leroy

Écrit et réalisé par Florent Bernard

Avec Charlotte Gainsbourg, José Garcia

France, 2024

103 minutes

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