critique &
création culturelle
Carnivores
Mes os, mon sang, ma chair

Donc hier, j’ai été tester les fauteuils moelleux du Palace à l’occasion de l’avant-première du film Carnivores des frères Renier. C’était évidemment juste pour admirer la belle Leïla Bekhti.

Il y a un truc pas juste avec les Leila : elles sont souvent aussi belles que leur prénom au-dedans et au dehors. Pour l’actrice, si l’âme ressemble au visage, alors mes présomptions sont correctes. Bref, j’arrête de m’emballer.
Le film est super angoissant parce qu’il traite d’un sujet compliqué : la famille. Non, la rivalité dans la famille. Mona et Sam sont sœurs. Si la deuxième s’est spécialisée dans l’art dramatique, c’est la première qui perce, par chance, dans ce milieu… carnivore. Si l’une est carbonisée par les soleils de la gloire, l’autre se liquéfie dans l’ombre de sa sœur. Si la première est irresponsable, égoïste et absente, l’autre se montre dévouée jusqu’à nous rendre mal à l’aise. Elle vit, toujours en marge, la vie que sa sœur n’a pas le temps de vivre. Elle s’installe chez sa sœur, s’occupe du fils de sa sœur comme elle passe sa vie à s’occuper de tout le monde entre deux castings ratés. Toutes les deux passent à côté de leur existence. À chaque plan, on se dit que le destin est amer d’avoir si injustement distribué la chance.

Laetitia de Montalembert Leïla Bekhti (Mona) et Zita Hanrot (Sam)

Le film est angoissant parce qu’il couve des tonnerres, des non-dits et la convoitise si compréhensible mais si dérangeante quand elle naît entre deux êtres liés par le sang. Je ne sais pas pourquoi c’est si tabou, les rapports fraternels conflictuels, alors que l’Histoire, les mythes et même l’actualité regorgent d’histoires sordides sur les familles. Caïn et Abel, Etéocle et Polynice, Romulus et Remus, Black Panther , The Bodyguard , Game of Thrones , A mours chiennes , l’affaire Grégory… et autant d’histoires de partout dans le monde, dans d’autres cultures, que je ne connais pas. Mais rien à faire, ça passe mal, on ne comprend jamais. Mes os, mon sang, ma chair, l’être né du même mélange que moi, c’est moi, non ? Tu touches à ma sœur, tu me touches moi ; tu touches à mon frère, tu me touches moi. Même si on est différents, c’est moi. Alors quoi, qu’est-ce qui cloche parfois dans notre humanité pour que quelque chose dépasse cet Amour dit naturel, celui que je n’ose pas questionner ? Il y a apparemment quelque chose de plus grand que ça.
Pour revenir au film, on pressent le drame, on le voit venir à des kilomètres, ce qui nous crispe. Puis un jour, Sam disparaît…
Carnivores comme le milieu si rude et brutal du cinéma. Carnivores comme les rapports de sœurs ennemies. Carnivores comme la roue de la fortune qui ronge parfois les êtres. Carnivores comme un film que j’ai bien aimé.

Bon, quand j’ai eu l’occasion de papoter avec Jérémie Renier − super sympa, normal et détendu comme mec − j’ai juste dit : « bravo pour le film, c’était cool ».

Même rédacteur·ice :

Carnivores

Réalisé par Jérémie Renier et Yannick Renier

Avec Leïla Bekhti, Zita Hanrot

France-Belgique, 2018

86 minutes