critique &
création culturelle
Dark Waters
plongée dans le jeu trouble du teflon

Le nouveau film de Todd Haynes ( Velvet Goldmine , I’m Not There , Carol …) s’attelle à raconter l’histoire vraie du combat mené par l’avocat d’affaires Robert Bilott (Mark Ruffalo) contre DuPont, firme chimique surpuissante à l’époque (et toujours bien active aujourd’hui). Mais la manière dont le film relate cette histoire est peu convaincante.

Todd Haynes… de nom, je connais oui. Mais sans plus. Pas grave, la bande-annonce de Dark Waters m’intrigue ! Je fonce au ciné.

Qui dit avocat d’affaires dit en principe défense d’entreprises. Mais lorsque le touchant Wilbur Tennant (Bill Camp), fermier de Virginie-Occidentale, vient frapper à sa porte, c’est le monde de Robert qui change. 190 vaches de l’exploitation de Wilbur meurent de manière inexpliquée, après avoir bu l’eau de la rivière avoisinante. Leurs dents noircissent et leur vésicule biliaire enfle comme un ballon. C’est alors que Robert réalise la gravité de la situation et décide d’agir. Pour la première fois de sa vie, il défendra un quidam contre une grande entreprise. Non seulement il aidera Wilbur (et plus tard le monde entier) mais il s’aidera aussi lui-même. Le côté humain est extrêmement bien représenté au long du film, dans toute sa sensibilité.

Mark Ruffalo joue certes bien, mais est-ce suffisant pour faire de lui un « bon acteur » ? Tout au long du film, nous le suivons dans un travail acharné, long et stressant, mais rarement nous sentons une quelconque détresse chez le personnage. Le jeu de Mark Ruffalo reste assez froid, pour ne pas dire détaché.

Anne Hathaway ( Le diable s’habille en Prada , Interstellar , Ocean’s 8 ), en revanche, est très convaincante dans son rôle d’épouse de Mark et de mère naïve et désemparée, puis révoltée.

La caméra rend bien compte du « jeu » dans lequel se sont engagés le fermier Wilbur et l’avocat Robert : les manipulations deviennent quotidiennes, tant et si bien que Robert se retrouve finalement sur le point de céder à la paranoïa. Le réalisateur effectue énormément de gros plans, mais on sent une sorte d’hésitation dans la réalisation, sans vraiment de “style” propre. Au niveau du code couleur, tout est gris : les décors, le ciel, les vêtements. L’ambiance anxiogène se fait dès lors bien sentir.

DuPont maintient sciemment un flou, un brouillard épais autour de l’enquête que mène Robert, n’ayant de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues. L’avocat parvient néanmoins petit à petit à déjouer les pièges des géants et à se frayer un chemin vers la vérité.

Robert procède à une enquête stressante, éprouvante et longue, avec une méthode digne d’un grand journaliste d’investigation.

Le grand handicap de Dark Waters réside dans la narration. Tantôt très rapide (ce qui colle plutôt bien avec la course effrénée de Robert pour découvrir la vérité sur l’empoisonnement de ces vaches) tantôt extrêmement lente, le spectateur se retrouve finalement perdu entre frénésie et apathie. Bien souvent, les ellipses temporelles sont telles (on saute parfois plusieurs années d’un coup) qu’il est difficile de s’y retrouver. Au final, on ne peut s’empêcher de se dire que c’est long...

Globalement, je regrette de ne pas avoir pu visionner un film plus sombre concernant la firme DuPont, célèbre et controversée créatrice du téflon. Mais Dark Waters reste, malgré une narration parfois bancale, un excellent récit de courage et de soif de justice face aux puissants. Une ode à la bataille menée au nom des faibles, et des générations futures.

Même rédacteur·ice :

Dark Waters

réalisé par Todd Haynes

Avec Mark Ruffalo, Anne Hathaway

États-Unis

2019, 126 minutes