critique &
création culturelle
Le Cours de la vie
Elle court, elle court…

Cinquième long métrage du réalisateur belge exilé à Paris, Le Cours de la vie est un énième cri d’amour de Frédéric Sojcher au cinéma. Après en avoir déjà examiné une série de coutures dans ses livres et ses films, Frédéric Sojcher s’attaque maintenant à l’art du scénario dans une comédie romantique interrogeant toujours les relations entre réel et fiction.

Vincent et Noémie se sont passionnément aimés durant leurs études de cinéma. Puis, Noémie est allée acheter des cigarettes. Puis, Noémie n’est jamais revenue. Depuis, ils ne se sont pas revus, jusqu’à ce que, trente ans plus tard, Vincent, devenu directeur de l’ENSAV de Toulouse, une école de cinéma plutôt du côté inconnu du bataillon, invite Noémie, devenue scénariste professionnelle, à venir donner un cours de scénario à ses jeunes étudiants, eux-mêmes parfois embourbés dans des déboires sentimentaux dispensables. Vincent et Noémie ont changé, ou pas trop. Ils ont eu des enfants. Ils sont dans des relations de couple nouvelles, pour l’un compliquée, pour l’autre étonnante. Ils se redécouvrent.

Pendant une journée entière, Noémie va livrer ses secrets d’écriture et intimes, le tout à mots parfois couverts, parfois maladroits, parfois percutants, mais toujours avec une sincérité déconcertante.

Le fil ténu du cours repose sur une idée : la vie réelle est au départ de tout. Il faut donc, suivant Noémie, plus un sens de l’observation que de l’imagination, et être capable d’aller puiser en soi les émotions et événements connus pour se rapprocher au mieux du crédible. Sans bannir pour autant les pouvoirs de l’imagination.

Avec ses anecdotes convoquant les grands (de Paul Schrader à Rainer Maria Rilke), ses conseils expérimentés, ses questions interactives, son humilité devant un public clairsemé dans l‘amphithéâtre, le cours donné par Noémie ressemble à s’y méprendre à une vraie intervention d’un praticien externe devant des étudiants en cinéma. Le titre du film ne relève donc absolument pas de la publicité mensongère. C’est avant toute chose à un cours auquel le spectateur du film va assister, avec tout ce que cela comporte de non-action et de concentration. Alors, certes, la « journée de cours » est condensée sur 1h30, et le long-métrage de Frédéric Sojcher est aussi rythmé par les incursions sentimentalo-ouin-ouin des étudiants et l’histoire plus romantique unissant Noémie et Vincent, mais cela revient peu ou prou à assister à une heure de cours.

Pour les cinéphiles, cette leçon revêtira néanmoins un intérêt certain, ne fût-ce que sur la réflexion portée sur l’écriture scénaristique, même si le point de vue est unique et assumé comme tel. En cela, elle n’est pas le prétexte qu’on pourrait craindre pour une réflexion plus personnelle sur les aléas des amours de jeunesse dont le temps répare ou non les blessures, qui est donc le substrat tout aussi annoncé par le titre, dans sa seconde partie (« de la vie »). En parlant de son travail de scénariste essentiellement nourri de ses expériences personnelles, Noémie est obligée de révéler, au moins pour illustrer, des éléments de sa vie personnelle, voire intime, parfois de façon frontale, parfois par des voies détournées, uniquement perceptibles par Vincent, voire son assistante (Géraldine Nakache), qui commence à comprendre le lien unissant les deux protagonistes.

D’un point de vue formel, Le Cours de la vie est sans concession. Frédéric Sojcher filme sans enluminure, réalistement, froidement, le cours en tant que tel, ainsi que les relations qui se nouent et se dénouent en marge de celui-ci. S’il fait un effort de diversification en termes de cadrage pour le cours (capter un exposé ex cathedra dans un amphithéâtre n’est pas la chose la plus passionnante visuellement parlant), en filmant le cours en train d’être capté par l’assistante de Vincent, ce qui raccourcit les cadrages et permet plus de changements de plans, la caméra reste essentiellement statique, y compris en dehors du cours proprement dit, avec, là, des cadrages assez étonnants (souvent en mode scalps) refusant manifestement tout esthétisme enjoliveur.

La romance, portée par Agnès Jaoui et Jonathan Zaccaï, est d’une délicate mélancolie. Elle serpente à travers le cours, le nourrit, embellit des retrouvailles maladroites qui brillent d’une sincérité absolue. Les deux acteurs sont d’une justesse exemplaire et emmènent le spectateur sur les chemins hantés des passions de jeunesse, sans faux pas.

Le Cours de la vie est une comédie sentimentale universitaire touchante et agréable, qui ravira surtout les amoureux du cinéma.

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Le Cours de la vie

Réalisé par Frédéric Sojcher

Avec Agnès Jaoui,  Jonathan Zaccaï,  Géraldine Nakache,  Stéphane Hénon

France, 2023

90 minutes

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